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"passe ton bac d'abord ", cours 2° : utopie, dystopie, uchronie.

Objet d’étude : Les genres de l’argumentation  

1-Petite histoire de l’argumentation

2- Les genres de l’argumentation

3- L’art d’analyser un texte argumentatif

4- Le vocabulaire de l’argumentation

5- Cours Utopie, Dystopie, Uchronie

6- Mouvement : Les Lumières

7- Lectures analytiques:

  • Voltaire, Candide , Eldorado (XVIII°)
  • Voltaire, De l’horrible danger de la lecture (XVIII°)
  • Montesquieu, Lettres persanes , Les Troglodytes (XVIII°)
  • Hugo, Paris-Guide, XIX°
  • Roth, Le Complot contre l’Amérique , 2004

8- Œuvre cursive  : C. MacCarthy, La Route , 2008

9- Documents complémentaires

10- Histoire des Arts  : Fard de David Alapont et Luis Briceno (2009)

11. Dystopies au cinéma

12-   Entrainement EAF

13- Quiz argu

dissertation philo utopie

DEFINITIONS   : Utopie, dystopie, uchronie

C’est à Thomas More que l’on doit le mot « Utopia » , construit à partir du grec ou : « non, ne…pas » et topos, « région, lieu ». L’utopie est donc   ce qui n’est nulle part. Le pays de nulle part. Ce qui n’est « en aucun lieu ».  

Au XVIII° , l’utopie désigne un gouvernement imaginaire. Au XIX°, elle va désigner un projet politique ou social qui ne tient pas compte de la réalité .

Et aujourd’hui, l’utopie désigne un projet irréalisable

Puis le genre va se diversifier et naitront les dystopies (du grec dus , exprimant une idée de difficulté, de trouble et des contre-utopies…

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Thomas More (1478-1535)     est un juriste, historien, philosophe, humaniste, théologien et homme politique anglais.  Grand ami d’Érasme, érudit, philanthrope, il participa pleinement au renouveau de la pensée qui caractérise cette époque, ainsi qu’à l’humanisme , dont il fut le plus illustre représentant anglais. Thomas More est aussi connu pour son essai politique et social    Utopia (L’Utopie). Celui-ci n’est toutefois qu’un élément d’une œuvre écrite considérable : traductions du grec, épigrammes latines, poésies, traités, mais aussi des ouvrages qui témoignent d’une spiritualité profonde. (D’après Wikipédia)

Thomas More, Utopia, 1516  

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Chaque maison a deux portes, celle de devant donnant sur la rue, celle de derrière sur le jardin. Elles s’ouvrent d’une poussée de main, et se referment de même, laissant entrer le premier venu. Il n’est rien là qui constitue un domaine privé. Ces maisons en effet changent d’habitants, par tirage au sort, tous les dix ans. Les Utopiens entretiennent admirablement leurs jardins, où ils cultivent des plants de vigne, des fruits, des légumes et des fleurs d’un tel éclat, d’une telle beauté que nulle part ailleurs je n’ai vu pareille abondance, pareille harmonie. Leur zèle est stimulé par le plaisir qu’ils en retirent et aussi par l’émulation, les différents quartiers luttant à l’envi à qui aura le jardin le mieux soigné. Vraiment, on concevrait difficilement, dans toute une cité, une occupation mieux faite pour donner à la fois du profit et de la joie aux citoyens et, visiblement, le fondateur n’a apporté à aucune autre chose une sollicitude plus grande qu’à ces jardins. 
  Quelques exemples d’utopies :
Leonard de Vinci (1452-1519) 

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” Et sache que si quelqu’un voulait parcourir la ville en utilisant uniquement les rues hautes, il pourrait le faire commodément ; et de même celui qui voudrait ne prendre que les basses. Dans les rues hautes ne doivent passer ni chariots, ni autres véhicules semblables : ces rues ne servent qu’aux personnes de qualité. Dans les rues basses passeront les chariots et autres transports destinés à l’usage et aux commodités du peuple. “

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    Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain , 1794.

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” Il arrivera donc, ce moment où le soleil n’éclairera plus, sur la terre, que des hommes libres, et ne reconnaissant d’autre maître que leur raison ; où les tyrans et les esclaves, les prêtres et leurs stupides ou hypocrites instruments n’existeront plus que dans l’histoire ou sur les théâtres. “

Jonathan SWIFT, Les Voyages de Gulliver , 1726.

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Enseigner les mathématiques
 De là nous entrâmes dans l’école de mathématiques, dont le maître se servait pour instruire ses disciples d’une méthode que les Européens auront de la peine à s’imaginer : chaque démonstration était écrite sur du pain à chanter, avec une certaine encre de teinture céphalique. L’écolier à jeun avalait ce pain à chanter, et pendant trois jours, il ne prenait qu’un peu de pain et d’eau. Pendant la digestion du pain à chanter, la teinture céphalique montait au cerveau et y portait la proposition. Cependant, cette méthode n’avait pas eu beaucoup de succès jusque-là ; mais c’était, disait-on, parce que l’on s’était trompé quelque peu dans le quantum satis, c’est-à-dire dans les doses de la composition, ; ou parce que les écoliers, malins et indociles, au lieu d’avaler le bolus, qui leur semblait nauséabond, le jetaient de côté ; ou, s’ils le prenaient, ils le rendaient avant qu’il eût pu faire son effet ; ou bien enfin parce qu’ils ne pouvaient s’astreindre à l’abstinence prescrite.

Une adaptation très…libre du roman de Swift

Du grec dun, « difficulté, trouble ». Il signifie une société troublée et dominée par une idéologie totalitaire.

La dystopie désigne ce qui n’est plus à sa place.

C’est un récit de fiction qui décrit une société où le bonheur est impossible. Il s’agit souvent d’un monde régi par un pouvoir  dictatorial ,  totalitaire qui prive les citoyens de leur liberté.

La dystopie montre parfois un monde  post-apocalyptique , comme dans La Route de C. McCarthy. 

La dystopie cherche à faire réfléchir le lecteur  sur certaines menaces qui pèsent sur la société à l’époque où il vit. 

Le héros d’une dystopie est celui qui refuse le système et qui se révolte contre lui. Sans nécessairement gagner…

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  Quelques exemples de dystopies :

  huxley (1894 – 1963), le meilleur des mondes , 1932.

Cette dystopie décrit un monde administré par un État mondial dans lequel tout est   contrôlé. L’homme est créé en laboratoire et la génétique est utilisée pour contrôler l’individu. Chacun appartient, selon ses capacités, à une caste particulière…

« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. II suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.  

  R. Barjavel (1911 – 1985), Ravage, 1943

Le roman  se passe en 2052, dans un Paris dont la population est dominée et dépendante des machines et de la technologie. Mais un jour, une panne d’électricité vient paralyser le monde. 

Un homme part alors pour la Provence pour créer une nouvelle société, libérée des machines, vivant du travail de la terre …

L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter.

Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie ! Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. II est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser.

On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté.

Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires du bonheur. L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau. Il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu.

Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutienne devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif. Il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir. »

Aldous Huxley – 1939

  G. Orwell (1903 – 1950), 1984

Ecrit en 1948, le roman 1984 ,   se passe à Londres en 1984, comme l’indique le titre du roman.

Le monde, depuis les grandes guerres nucléaires des années 1950, est divisé en trois grands « blocs » : l’Océania (Amériques, îles de l’Atlantique, comprenant notamment les îles Anglo-Celtes, Océanie et Afrique australe), l’Eurasia (reste de l’Europe et URSS) et l’ Estasia  (Chine et ses contrées méridionales, îles du Japon, et une portion importante mais variable de la Mongolie, de la Mandchourie et du Tibet 5 ) qui sont en guerre perpétuelle les uns contre les autres. Ces trois grandes puissances sont dirigées par différents régimes totalitaires revendiqués comme tels, et s’appuyant sur des idéologies nommées différemment mais fondamentalement similaires : l’Angsoc (ou « socialisme anglais ») pour l’Océania, le « néo-bolchévisme » pour l’Eurasia et le « culte de la mort » (ou « oblitération du moi ») pour l’Estasia. Tous ces partis sont présentés comme communistes avant leur montée au pouvoir, jusqu’à ce qu’ils deviennent des régimes totalitaires et relèguent les prolétaires qu’ils prétendaient défendre au bas de la pyramide sociale. À côté de ces trois blocs subsiste une sorte de « Quart-monde », dont le territoire ressemble approximativement à un parallélogramme ayant pour sommets Tanger, Brazzaville, Darwin et Hong Kong. C’est le contrôle de ce territoire, ainsi que celui de l’Antarctique, qui justifie officiellement la guerre perpétuelle entre les trois blocs.

 (Source Wikipedia)

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 Michel Houellebecq (Né en 1956), Soumission

Un parti musulman remporte la présidentielle contre le Front national… Le Front national de Marine Le Pen, qui a déjà perdu le scrutin de 2017, subit la loi d’une alliance UMP, UDI, PS, associée à la Fraternité musulmane, parti inventé par l’auteur. Son leader, Mohammed Ben Abbes, finit par être élu et choisit François Bayrou comme premier ministre.

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Du grec ou, « ne pas », et du terme chronie, « le temps ». Il signifie « un lieu où plus rien n’arrive d’imprévu, d’anormal ». Il décrit un temps révolu ou non encore avenu.

Quelques exemples d’Uchronies

   Le Maître du haut château de Philip K. Dick (1962)   

Les Américains perdent la guerre dès l’attaque de Pearl Harbor en 1941. Les Japonais et les Allemands se partagent donc la domination du monde. Mais une étrange rumeur se propage selon laquelle, « Le maître du haut château », un personnage étrange aurait écrit un livre dans lequel les Alliés auraient gagné la guerre.

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  Philip Roth, écrivain américain   Le Complot contre l’Amérique (2004),

Il imagine que le grand aviateur Charles Lindbergh est un sympathisant nazi, qui parvient à battre Roosevelt  aux élections de 1941. Il va plonger les États-Unis dans un régime totalitaire fasciste.   

Texte 1 : Voltaire (1694 – 1778), Candide, L’Eldorado, ch. XVIII

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François-Marie Arouet (Voltaire) est issu d’un milieu bourgeois, son père était notaire.

Il fait de brillantes études. Une altercation avec le chevalier Rohan-Chabot le conduit à la Bastille, puis le contraint à un exil de trois ans en Angleterre. Il y découvre une nation ou la liberté d’expression est plus grande et le système politique plus représentatif. Il ne l’oubliera pas. Il s’engagera dans une philosophie réformatrice de la justice et de la société .

De retour en France, Voltaire poursuit sa carrière littéraire et s’applique à dénoncer les travers de son temps pour transformer la société. Dans les Lettres philosophiques (1734), il critique la guerre, les dogmes chrétiens et le régime politique en France, basé sur le droit divin.

Son conte, Zadig , l’oblige à s’exiler à Potsdam sur l’invitation de Frédéric II de Prusse, puis à Genève. Voltaire s’installe définitivement à Ferney , près de la frontière Suisse, où il reçoit toute l’élite intellectuelle de l’époque tout en ayant une production littéraire abondante.

En 1759, Voltaire publie Candide .Il l’appelle une « coïonnerie » et n’imagine pas que cette œuvre sera sans contexte l’une des plus connues du XVIII° !

 S’indignant devant l’intolérance, les guerres et les injustices qui pèsent sur l’humanité, il y dénonce la pensée providentialiste et la métaphysique de Leibniz.

Il combat inlassablement pour la liberté, la justice et le triomphe de la raison (affaires Calas, Sirven, chevalier de la Barre…).

En 1778, il retourne enfin à Paris et meurt peu de temps après.

Esprit universel ayant marqué le siècle des “ Lumières “, défenseur acharné de la liberté individuelle et de la tolérance, Voltaire laisse une oeuvre considérable.   

Texte : Candide, ch. Eldorado

Candide, L’Eldorado

Eldorado incarne l’âge d’or, un lieu séduisant et idyllique. On y refuse le gain et donc la cupidité. L’organisation sociale est harmonieuse, fondée sur le communautarisme : pourtant cela reste qu’une vision idéalisée d’une société impossible. 


Candide et Cacambo qui ont fui les jésuites au Paraguay, sont épuisés et égarés. Ils se laissent porter par le courant d’un fleuve et arrivent par hasard au pays de L’Eldorado …

Candide et Cacambo montent en carrosse ; les six moutons volaient, et en moins de quatre heures on arriva au palais du roi, situé à un bout de la capitale. Le portail était de deux cent vingt pieds de haut, et de cent de large ; il est impossible d’exprimer quelle en était la matière. On voit assez quelle supériorité prodigieuse elle devait avoir sur ces cailloux et sur ce sable que nous nommons or et pierreries. Vingt belles filles de la garde reçurent Candide et Cacambo à la descente du carrosse, les conduisirent aux bains, les vêtirent de robes d’un tissu de duvet de colibri ; après quoi les grands officiers et les grandes officières de la couronne les menèrent à l’appartement de Sa Majesté au milieu de deux files, chacune de mille musiciens, selon l’usage ordinaire. Quand ils approchèrent de la salle du trône, Cacambo demanda à un grand officier com- ment il fallait s’y prendre pour saluer Sa Majesté : si on se jetait à genoux ou ventre à terre ; si on mettait les mains sur la tête ou sur le derrière ; si on léchait la poussière de la salle ; en un mot, quelle était la cérémonie. « L’usage, dit le grand officier, est d’embrasser le roi et de le baiser des deux côtés. » Candide et Cacambo sautèrent au cou de Sa Majesté, qui les reçut avec toute la grâce imaginable, et qui les pria poliment à souper. En attendant, on leur fit voir la ville, les édifices publics élevés jusqu’aux nues, les marchés ornés de mille colonnes, les fontaines d’eau pure, les fontaines d’eau rose, celles de liqueurs de canne de sucre qui coulaient continuellement dans de grandes places pavées d’une espèce de pierreries qui répandaient une odeur semblable à celle du gérofle et de la cannelle. Candide demanda à voir la cour de justice, le parlement ; on lui dit qu’il n’y en avait point, et qu’on ne plaidait jamais. Il s’informa s’il y avait des prisons, et on lui dit que non. Ce qui le surprit davantage, et qui lui fit le plus de plaisir, ce fut le palais des sciences, dans lequel il vit une galerie de deux mille pas, toute pleine d’expériences de physiques.
Texte 2 : Voltaire, De l’horrible danger de la lecture, 1765
Nous Joussouf-Chéribi, par la grâce de Dieu mouphti [1] du Saint-Empire ottoman, lumière des lumières, élu entre les élus, à tous les fidèles qui ces présentes verront, sottise et bénédiction. Comme ainsi soit que Saïd-Effendi, ci-devant ambassadeur de la Sublime-Porte [2] vers un petit État nommé Frankrom, situé entre l’Espagne et l’Italie, a rapporté parmi nous le pernicieux usage de l’imprimerie, ayant consulté sur cette nouveauté nos vénérables frères les cadis [3] et imans de la ville impériale de Stamboul, et surtout les fakirs connus par leur zèle contre l’esprit, il a semblé bon à Mahomet et à nous de condamner, proscrire, anathématiser [4] ladite infernale invention de l’imprimerie, pour les causes ci-dessous énoncées. 1° Cette facilité de communiquer ses pensées tend évidemment à dissiper l’ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des États bien policés. 2° Il est à craindre que, parmi les livres apportés d’Occident, il ne s’en trouve quelques-uns sur l’agriculture et sur les moyens de perfectionner les arts mécaniques, lesquels ouvrages pourraient à la longue, ce qu’à Dieu ne plaise, réveiller le génie de nos cultivateurs et de nos manufacturiers, exciter leur industrie, augmenter leurs richesses, et leur inspirer un jour quelque élévation d’âme, quelque amour du bien public, sentiments absolument opposés à la saine doctrine. 3° Il arriverait à la fin que nous aurions des livres d’histoire dégagés du merveilleux qui entretient la nation dans une heureuse stupidité. On aurait dans ces livres l’imprudence de rendre justice aux bonnes et aux mauvaises actions, et de recommander l’équité et l’amour de la patrie, ce qui est visiblement contraire aux droits de notre place. 4° Il se pourrait, dans la suite des temps, que de misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d’éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir de connaissance. 5° Ils pourraient, en augmentant le respect qu’ils ont pour Dieu, et en imprimant scandaleusement qu’il remplit tout de sa présence, diminuer le nombre des pèlerins de la Mecque, au grand détriment du salut des âmes. 6° Il arriverait sans doute qu’à force de lire les auteurs occidentaux qui ont traité des maladies contagieuses, et de la manière de les prévenir, nous serions assez malheureux pour nous garantir de la peste, ce qui serait un attentat énorme contre les ordres de la Providence. À ces causes et autres, pour l’édification des fidèles et pour le bien de leurs âmes, nous leur défendons de jamais lire aucun livre, sous peine de damnation éternelle. Et, de peur que la tentation diabolique ne leur prenne de s’instruire, nous défendons aux pères et aux mères d’enseigner à lire à leurs enfants. Et, pour prévenir toute contravention à notre ordonnance, nous leur défendons expressément de penser, sous les mêmes peines; enjoignons à tous les vrais croyants de dénoncer à notre officialité [5] quiconque aurait prononcé quatre phrases liées ensemble, desquelles on pourrait inférer un sens clair et net. Ordonnons que dans toutes les conversations on ait à se servir de termes qui ne signifient rien, selon l’ancien usage de la Sublime-Porte. Et pour empêcher qu’il n’entre quelque pensée en contrebande dans la sacrée ville impériale, commettons spécialement le premier médecin de Sa Hautesse, né dans un marais de l’Occident septentrional; lequel médecin, ayant déjà tué quatre personnes augustes de la famille ottomane, est intéressé plus que personne à prévenir toute introduction de connaissances dans le pays; lui donnons pouvoir, par ces présentes, de faire saisir toute idée qui se présenterait par écrit ou de bouche aux portes de la ville, et nous amener ladite idée pieds et poings liés, pour lui être infligé par nous tel châtiment qu’il nous plaira. Donné dans notre palais de la stupidité, le 7 de la lune de Muharem, l’an 1143 de l’hégire [6] .
  • [1] mouphti = chef suprême de la religion ottomane
  • [2] Sublime Porte = empire ottoman
  • [3] cadi = juge
  • [4] Bannir, interdire
  • [5] officialité = tribunal ecclésiastique français correspondant au diocèse sous la direction d’un évêque
  • [6] hégire = début de l’ère musulmane (an 622 de l’ère chrétienne)

  Prolongements :

L’autodafé…une manie  très ancienne de tous les pouvoirs !

nom masculin

  • Cérémonie où des hérétiques étaient condamnés au supplice du feu par l’Inquisition.
  • Action de détruire par le feu. Un autodafé de livres.
Autodafé et religion

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« Après le tremblement de terre qui avait détruit les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n’avaient pas trouvé un moyen plus efficace pour prévenir une ruine totale que de donner au peuple un bel auto-da-fé ; il était décidé par l’université de Coïmbre que le spectacle de quelques personnes brûlées à petit feu, en grande cérémonie, est un secret infaillible pour empêcher la terre de trembler ».

Voltaire, Candide , Chapitre VI

 FAHRENHEIT 451
  • Fahrenheit 451 , Bradbury en 1953
  • Version filmique de Truffaut en 1966.


Ray Bradbury , né en 1920, est l’écrivain de science-fiction le plus connu au monde. Ses romans et ses nouvelles ont été lus à des millions d’exemplaires dans presque toutes les langues de la planète. Passionné par l’image, il est aussi l’auteur de plusieurs scénarios pour le cinéma, dont celui de Moby Dick (John Huston), et a adapté nombre de ses récits pour la scène et la télévision.

Fahrenheit 451 se situe dans un état totalitaire, dans un futur indéterminé, où les livres considérés comme dangereux, sont interdits et brûlés. Le titre du roman fait d’ailleurs référence à une température en degrés Fahrenheit, qui selon l’auteur est celle où le papier s’enflamme et se consume (451 degrés Fahrenheit, soit environ 232,7 degrés Celsius).

Ce sont les pompiers qui se chargent des autodafés, dont le héros du roman, Guy Montag est un des pompiers les plus chevronnés de sa compagnie. Mais un jour, Montag   se met à en lire, refuse le bonheur obligatoire et rêve d’un monde perdu où la littérature et l’imaginaire ne seraient pas bannis. Devenant du coup un dangereux criminel…

“Dans la science-fiction, on rêve” , avait dit Bradbury au  New York Times .  “Dans le but de coloniser l’espace, de remodeler nos villes (…), de résoudre tout un nombre de problèmes, nous devons imaginer l’avenir, y compris les nouvelles technologies dont nous avons besoin.”  Mais il n’était pas qu’un poète du futur :   “la science-fiction, c’est aussi un bon moyen de prétendre écrire sur le futur alors qu’en réalité on attaque le passé récent et le présent.”

“Il a été le premier écrivain à représenter la science et la technologie à la fois comme une bénédiction et une abomination”,  a rappelé le  New York Times . 

  Les nazis et les livres :

Le 10 mai 1933, les ouvrages des plus grandes figures intellectuelles germanophones du XXe siècle partaient en fumée dans toute l’Allemagne. Adolf Hitler était au pouvoir depuis moins de quatre mois. Ces autodafés marquaient la “décapitation intellectuelle” du pays.

20.000 livres brûlés à Berlin

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Face à l’une des plus prestigieuses facultés allemandes, l’Université Humboldt, 20.000 livres furent brûlés le 10 mai 1933. Ce soir-là, vers 23h, des ouvrages de Sigmund Freud, Heinrich Mann, Karl Marx, Kurt Tucholsky, entre autres, y furent réduits en cendres. Cet autodafé de livres  se répéta dans 20 autres villes du pays

  L ’ Etat islamique et les livres …

Courant janvier 2003, des combattants de l’État islamique auraient pris possession de la Bibliothèque centrale de Mossoul en Irak, pour en brûler près de 2 000 livres jugés impies. 

La culture a encore une fois fait les frais de l’intolérance et du fanatisme des intégristes de l’État islamique à Mossoul, le deuxième ville d’Irak. Courant janvier, des militants de l’organisation terroriste auraient pris possession de la Bibliothèque centrale de la ville, l’une des plus riches du pays, pour en brûler quelque 2 000 livres  selon l’Associated Press . Science, philosophie, médecine, cartes, journaux, livres pour enfants, poésie… Les jihadistes n’ont épargné aucun domaine.

Des documents datant de l’Empire ottoman réduits en cendres

“Ces livres promeuvent l’infidélité et appellent à la désobéissance à Allah. Ils doivent donc brûler” , aurait déclaré l’un d’entre eux à la foule selon un témoin parlant sous réserve d’anonymat. Une collection de journaux irakiens datant du début du XXe siècle, des cartes et des livres datant de l’Empire ottoman auraient notamment péri dans les flammes. Les fanatiques ne se sont pas arrêtés là : quelques jours plus tard selon l’Associated Press, ils ont fait irruption dans la bibliothèque de l’Université de Mossoul et se sont saisis de centaines d’ouvrages, qu’ils ont brûlé devant les étudiants.

D’après un professeur d’histoire de l’Université de Mossoul qui a également souhaité rester anonyme par peur des représailles, les jihadistes ont saccagé de nombreuses bibliothèques ces derniers temps : les archives de la bibliothèque sunnite, la bibliothèque – vieille de 265 ans – de l’Église latine, le monastère des pères dominicains et la bibliothèque du Musée de Mossoul – contenant des documents datant de 5 000 ans avant J.-C. – auraient été attaqués.

Désormais, là où règne l’État islamique, le fait de cacher un livre jugé impie est passible d’une condamnation à mort. Selon le législateur Hakim al-Zamili, l’État islamique  “considère la culture et la science comme ses pires ennemis” .

Autodafés en tous genres… (Il en manque beaucoup…)

  • 240 av J.-C : l’empereur chinois Tsin Che Hoang fait détruire tous les livres de sciences et d’histoire.
  • 48 av J.-C : premier incendie de la bibliothèque d’alexandrie par Jules Cesar.
  • 54 ap J.-C : Saint Paul fait un autodafé à Ephèse de tous les livres qui traite de “choses curieuses”.
  • 3ème siecle: les empereurs chrétiens d’occident , en gigantesques autodafés, brulent et détruisent les merveilles du monde antique, dont le temple de Diane à Ephèse, et les archives “païennes”.
  • 490: deuxième incendie de la bibliothèque d’alexandrie par les chrétiens.
  • 7ème siècle: des moines irlandais font bruler10 000 manuscrits runiques en écorces de bouleau contenant les traditions et les annales de la civilisation celtique.
  • 641: troisième incendie de la bibliothèque d’alexandrie par ordre du calife Omar
  • 789: Charlemagne , reprenant les décrets des conciles d’Arles, de Tour, de Nantes et de Tolède, interdit le cultes des arbres, des pierres, des fontaines et prescrit la destruction de tout objet ou document se rapportant au rite païen.
  • 1221: Gengis Khan brûle les livres de l’antique Djouloul, la Thèbes de l’orient.
  • 13 ème siècle: les catholiques détruisent les livres cathares.
  • 14 ème et 15 ème siècle: l’Inquisition brûle les livres hérétiques
  • 16ème siècle: les conquistadors chrétiens et l’évêque Diego de Landa détruisent la quasi-totalité des livres sacrés méxicains. Les livres de Garcilaso de La Vega sont Brûlés par l’inquisition.
  • 1566: Le vice roi du Pérou, francisco Toledo, détruit un stock immense d’étoffes incas et de tablettes peintes où figurés l’hisoire ancienne de l’amerique.
  • 18ème siécle: le pére Sicard dans le port d’Ouardan en Egypte fait brûler ” un colombier de papyrus à caractères magiques”.
  • 1709: L’Inquisition brûle les documents scientifiques de Gusmâo à Lisbonne…
  Texte 3 : Montesquieu, Les Lettres persanes , Lett re 12


MONTESQUIEU

Philosophe français (1689-1755), conseiller au parlement de Bordeaux. Son oeuvre est variée. On retiendra    De l’Esprit des Lois , ouvrage politique mais aussi  Les Lettres persanes , roman épistolaire qui regarde la société française sous l’œil naif et satirique de deux persans.  Homme des Lumières qui en incarne l’esprit, il se passionne pour les sciences, la politique et la philosophie.  

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Les Lettres persanes

Publiées anonymement à Amsterdam en 1721 , Les Lettres persanes suivent une double mode : celle de l’Orient et celle du roman par lettres (Epistolaire).

Les Lettres permettent une réflexion philosophique sur la relativité des coutumes et la recherche d’un ordre universel bâti sur la raison.

Deux Persans, Usbek et Rica , entreprennent un long voyage entre 1712 et 1720 , qui les conduit d’Ispahan (Perse) à Paris. Ils écrivent à ceux restés en Perse et reçoivent eux-mêmes des lettres. Ainsi la forme épistolaire par l’échange des lettres multiplie les points de vue, relativise les jugements émis par les personnages ET permet à Montesquieu (1689-1755) d’unir la fiction romanesque et la satire des mœurs et des institutions de son temps . . On a souvent au XVIII°, ce regard naïf d’un étranger (cf.Candide)

Le “regard persan” favorise ainsi l’ironie à l’égard de coutumes décrites d’un autre point de vue , le vocabulaire persan appliqué à des valeurs occidentales ridiculise leur ethnocentrisme. A la surprise manifestée par les Persans répond d’ailleurs un autre étonnement : celui des Parisiens, condensé par la formule célèbre de la lettre XXX « Comment peut-on être Persan ? »

Avant d’arriver à Paris, alors qu’ils se trouvent encore à Erzurum dans l’empire ottoman, nos deux Persans sont informés par l’intermédiaire de Mirza d’un débat qui partage la cour d’Ispahan en Perse.

Il s’agit de savoir quelle est la condition principale du bonheur dans une société : est-ce la satisfaction des besoins ou la pratique de la vertu qui peut garantir l’harmonie et le bonheur collectifs ? Dans les lettres XI et XII, Usbek répond à cette question, non par une démonstration abstraite, mais à travers un apologue qui veut à la fois « persuader » et « toucher » son lecteur : le mythe des troglodytes. La lettre XI raconte comment les Troglodytes menant une vie égoïste, seulement soucieux de leurs intérêts particuliers, conduisent leur société à la guerre et à la ruine. Dans la lettre XII, dont notre texte présente les premiers paragraphes, Usbek montre comment quelques Troglodytes qui ont survécu à la catastrophe reconstruisent une nouvelle société garantissant le bonheur de tous et de chacun.

Usbek au même, à Ispahan

Tu as vu, mon cher Mirza, comment les Troglodytes périrent par leur méchanceté même, et furent les victimes de leurs propres injustices. De tant de familles, il n’en resta que deux qui échappèrent aux malheurs de la Nation. Il y avait dans ce pays deux hommes bien singuliers : ils avaient de l’humanité ; ils connaissaient la justice ; ils aimaient la vertu. Autant liés par la droiture de leur cœur que par la corruption de celui des autres, ils voyaient la désolation générale, et ne la ressentaient que par la pitié : c’était le motif d’une union nouvelle. Ils travaillaient avec une sollicitude commune pour l’intérêt commun ; ils n’avaient de différends que ceux qu’une douce et tendre amitié faisait naître ; et, dans l’endroit du pays le plus écarté, séparés de leurs compatriotes indignes de leur présence, ils menaient une vie heureuse et tranquille. La terre semblait produire d’elle-même, cultivée par ces vertueuses mains. Ils aimaient leurs femmes, et ils en étaient tendrement chéris. Toute leur attention était d’élever leurs enfants à la vertu. Ils leur représentaient sans cesse les malheurs de leurs compatriotes et leur mettaient devant les yeux cet exemple si triste ; ils leur faisaient surtout sentir que l’intérêt des particuliers se trouve toujours dans l’intérêt commun ; que vouloir s’en séparer, c’est vouloir se perdre ; que la vertu n’est point une chose qui doive nous coûter ; qu’il ne faut point la regarder comme un exercice pénible ; et que la justice pour autrui est une charité pour nous. Ils eurent bientôt la consolation des pères vertueux, qui est d’avoir des enfants qui leur ressemblent. Le jeune peuple qui s’éleva sous leurs yeux s’accrut par d’heureux mariages : le nombre augmenta, l’union fut toujours la même ; et la vertu, bien loin de s’affaiblir dans la multitude, fut fortifiée, au contraire, par un plus grand nombre d’exemples. Qui pourrait représenter ici le bonheur de ces Troglodytes ? Un peuple si juste devait être chéri des dieux. Dès qu’il ouvrit les yeux pour les connaître, il apprit à les craindre, et la religion vint adoucir dans les mœurs ce que la nature y avait laissé de trop rude. Ils instituèrent des fêtes en l’honneur des dieux : les jeunes filles ornées de fleurs, et les jeunes garçons les célébraient par leurs danses et par les accords d’une musique champêtre. On faisait ensuite des festins où la joie ne régnait pas moins que la frugalité. C’était dans ces assemblées que parlait la nature naïve ; c’est là qu’on apprenait à donner le cœur et à le recevoir ; c’est là que la pudeur virginale faisait en rougissant un aveu surpris, mais bientôt confirmé par le consentement des pères ; et c’est là que les tendres mères se plaisaient à prévoir de loin une union douce et fidèle. On allait au temple pour demander les faveurs des dieux ; ce n’était pas les richesses et une onéreuse abondance : de pareils souhaits étaient indignes des heureux Troglodytes; ils ne savaient les désirer que pour leurs compatriotes. Ils n’étaient au pied des autels que pour demander la santé de leurs pères, l’union de leurs frères, la tendresse de leurs femmes, l’amour et l’obéissance de leurs enfants. Les filles y venaient apporter le tendre sacrifice de leur cœur, et ne leur demandaient d’autre grâce que celle de pouvoir rendre un Troglodyte heureux. Le soir, lorsque les troupeaux quittaient les prairies, et que les bœufs fatigués avaient ramené la charrue, ils s’assemblaient, et, dans un repas frugal, ils chantaient les injustices des premiers Troglodytes et leurs malheurs, la vertu renaissante avec un nouveau peuple, et sa félicité. Ils célébraient les grandeurs des dieux, leurs faveurs toujours présentes aux hommes qui les implorent, et leur colère inévitable à ceux qui ne les craignent pas ; ils décrivaient ensuite les délices de la vie champêtre et le bonheur d’une condition toujours parée de l’innocence. Bientôt ils s’abandonnaient à un sommeil que les soins et les chagrins n’interrompaient jamais. La nature ne fournissait pas moins à leurs désirs qu’à leurs besoins. Dans ce pays heureux, la cupidité était étrangère : ils se faisaient des présents où celui qui donnait croyait toujours avoir l’avantage. Le peuple troglodyte se regardait comme une seule famille ; les troupeaux étaient presque toujours confondus ; la seule peine qu’on s’épargnait ordinairement, c’était de les partager. D’Erzeron, le 6 de la lune de Gemmadi 2 1711
Texte 4 : Victor Hugo, Paris-guide de l’exposition universelle de 1869, Paris, 1867 – Chapitre I “L’Avenir”.

Victor Hugo (1802-1885)

L’un des plus grands écrivains français : romancier, poète, dramaturge…. Chef de file du Romantisme, homme politique et artiste engagé qui a connu l’exil. Il est l’auteur des Misérables, de Notre-Dame de Paris, du recueil des Contemplations, De pièces comme Hernani ou Ruy Blas…

dissertation philo utopie

En 1866, on sollicita Victor Hugo pour écrire une introduction à  Paris guide  (un ouvrage destiné aux visiteurs de l’Exposition universelle de 1867), il rédigea un long texte qui tient à la fois de la lettre d’amour à une Capitale mythifiée et de la profession de foi utopique.

En exil à Guernesey, l’auteur n’a pas vu Paris depuis seize ans.

Ce texte s’impose surtout comme un manifeste de la pensée politique hugolienne. C’est un hymne à la paix, à la fraternité, à l’universalité des Lumières et au progrès technique. Si Hugo, d’ailleurs, décrit le Paris de son temps, c’est avant tout pour se projeter vers l’avenir, prophétiser. Et ce qu’il prédit s’oppose totalement à la vision sombre que développe Jules Verne dans son  Paris au XXe siècle  (écrit en 1863 mais refusé par son éditeur Hetzel), d’une ville dominée par la technologie, la finance, la surveillance constante des habitants.  Hugo rêve d’une paix universelle, d’une Europe unie, d’un monde ouvert à la libre circulation, libéré des superstitions et des fanatismes religieux, dont Paris serait le phare, irradiant ses valeurs d’une humanité réconciliée jusqu’aux confins de la terre, à l’image, dans le passé, d’Athènes et de Jérusalem.  

Au vingtième siècle, il y aura une nation extraordinaire. Cette nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas d’être libre. Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste de l’humanité. Elle aura la gravité douce d’une aînée. (…) Elle considérera le gaspillage du sang humain comme inutile. (…) Aucune exploitation, ni des petits par les gros, ni des gros par les petits ; et partout la dignité de l’utilité de chacun sentie par tous ; l’idée de domesticité purgée de l’idée de servitude ; l’égalité sortant toute construite de l’instruction gratuite et obligatoire ; l’égout remplacé par le drainage ; le châtiment remplacé par l’enseignement ; la prison transfigurée en école ; l’ignorance, qui est la suprême indigence, abolie ; l’homme qui ne sait pas lire aussi rare que l’aveugle-né (…). La circulation décuplée ayant pour résultat la production et la consommation centuplées ; la multiplication de pains, de miracle, devenue réalité ; les cours d’eau endigués, ce qui empêchera les inondations, et empoissonnés, ce qui produira la vie à bas prix ; l’industrie engendrant l’industrie, les bras appelant les bras, l’oeuvre faite se ramifiant en innombrables oeuvres à faire, un perpétuel recommencement sorti d’un perpétuel achèvement, et, en tout lieu, à toute heure, sous la hache féconde du progrès, l’admirable renaissance des têtes de l’hydre sainte du travail. Pour guerre l’émulation. L’émeute des intelligences vers l’aurore. L’impatience du bien gourmandant les lenteurs et les timidités. Toute autre colère disparue. Un peuple fouillant les flancs de la nuit et opérant, au profit du genre humain, une immense extraction de clarté. Voilà quelle sera cette nation. Cette nation aura pour capitale Paris, et ne s’appellera point la France ; elle s’appellera l’Europe. Elle s’appellera l’Europe au vingtième siècle, et, aux siècles suivants, plus transfigurée encore, elle s’appellera l’Humanité. Victor Hugo, Introduction au Paris-guide de l’Exposition universelle de 1867 , Librairie internationale, ch I, “L’Avenir”.
  Travail d’écriture (Invention)

Sujet d’invention :

Dans une lettre ouverte (argumentation directe) d’une quarantaine de lignes au minimum, répondre à Hugo et lui rapporter en quoi le siècle et demi écoulé n’a pas toujours ressemblé à ce qu’il espérait…

Contrat d’écriture

  • Respecter les caractéristiques du genre de la lettre (prise en compte du destinataire)
  • Rappeler d’abord deux ou trois grandes idées de V. Hugo puis donner des exemples précis pour décrire les événements qui sont venus contredire ce qu’il avait imaginé ; 

  • Employer un langage soutenu puisque l’on s’adresse à l’un des plus grands écrivains français ! 

  Texte 5 :  Philippe Roth, Le Complot contre l’Amérique , 2004

Philippe Roth , 1933 -2018 est l’un des plus grands écrivains américains.   

Petit-fils d’immigrés juifs,   arrivés aux États-Unis au tournant du XXe siècle, il grandit dans le quartier de la petite classe moyenne juive de Newark. Après des études à l’université, il y enseigne les lettres, puis la composition à l’université de l’Iowa jusqu’au début des années 1960. Il reprendra ses activités d’enseignant de manière intermittente jusqu’en 1992. Il a publié 26 romans. En 1970 il obtient une célébrité phénoménale et crée le scandale avec “Portnoy et son complexe” (Portnoy’s Complaint, 1969), longue confession de son héros, aux prises avec sa judéité et ses pulsions sexuelles. Le personnage réapparaît dans nombre de ses œuvres.   Dans sa trilogie américaine: “Pastorale américaine” (American Pastoral, 1997), “J’ai épousé un communiste” (I Married a Communist, 1998) et “La Tache” (The Human Stain, 2000), il opère une démythification de l’American dream, et fustige le politiquement correct ambiant.

En 2004, Le Complot contre l’Amérique, puis”Le Rabaissement” (The Humbling, 2009) est porté sur grand écran en 2014 par Barry Levinson En octobre 2012, il annonce, lors d’un entretien qu’il arrête l’écriture et que “Némésis” (2010) restera son dernier roman.

« Il faut passer par la stupidité pour ne pas être un con »

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  HISTOIRE DES ARTS

de David Alapont et Luis Briceno (2009)

Par Marie-Pierre Lafargue, intervenante cinéma en milieu scolaire

Dans un univers totalitaire déshumanisé où les relations sont dominées par les nouvelles technologies, Oscar est l’un des rouages dociles d’un monde technologique sans heurt ni affect. Quand son collègue et ami Martin lui confie la garde d’un mystérieux objet venu du passé, la vie d’Oscar bascule, entraînant la violence et le chaos. C’est une lampe torche qui, en effaçant la couche de matière qui recouvre et uniformise les hommes et le décor, en révèle les aspérités, les couleurs, les cicatrices du temps. Le récit, nerveux et épuré, est celui d’une prise de conscience.

Fard est un film d’animation sorti au cinéma dans le programme de courts métrages Logorama and co (2011) condensant la plupart des motifs et thèmes d’une dystopie classique.

Il a reçu le prix du Meilleur Film d’Animation francophone SACD 2010.   

Fard est directement inspiré du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1932) et de 1984 de George Orwell (1948).

Séquence 1  : dans un plan en caméra à l’épaule, un homme se déplace dans un décor futuriste où les personnages semblent tous semblables.

Séquence 2  : l ’homme entre dans son bureau en open space. Au fond, un visage féminin parle aux employés sur un écran géant. L’homme allume son ordinateur, où apparaît le message de Martin (qui l’appelle Oscar), qui lui demande de prendre un paquet pour lui. Oscar ouvre le tiroir du bureau et découvre le paquet. Un homme passe derrière Oscar et le félicite pour son travail. La voix de l’écran souhaite une bonne journée aux employés.

Séquence 3  : Oscar entre dans un ascenseur et échange quelques mots avec une femme, Lisa, avant de lui prendre discrètement la main.

Séquence 4  : Oscar sort de l’ascenseur et entre chez lui avec le paquet. Il écoute ses messages. Martin, l’air effrayé, lui dit de cacher le paquet. Oscar ouvre le paquet et en sort une lampe de poche, l’air éberlué. Alors que tout le film est en animation, la lampe est en images réelles. Dans un plan en caméra subjective, Oscar inspecte la lampe et l’allume face à lui par inadvertance. Il jette la lampe en se tenant le visage. En contrechamp, la lampe éclaire le mur et en révèle un aspect totalement différent. Oscar se regarde dans le miroir et nous découvrons avec lui qu’une partie de son visage a changé et apparaît en images réelles. On frappe à la porte. Oscar s’empare de la lampe et se cache. 

Des hommes en noir entrent dans la pièce et découvrent la partie éclairée du mur, pendant qu’Oscar s’enfuit.

Séquence 5   : les hommes en noir partent à sa poursuite dans les escaliers. Oscar va se réfugier chez son amie. Lisa hurle en voyant le visage d’Oscar. Oscar la gifle avant de lui montrer le pouvoir de la lampe. Lisa tente de fuir mais Oscar la retient puis la fait tomber par terre, inconsciente. Il découvre son propre sang puis fait apparaître le visage réel de Lisa à la lumière de la lampe.

Séquence 6  : Martin est kidnappé par Oscar qui l’emmène dans un coin reculé et l’éclaire avec la lampe. Le haut du visage de Martin apparaît en images réelles. Oscar assomme Martin.

Séquence 7  : Martin, toujours inconscient, et Oscar, sont dans les égouts. Martin se réveille et les deux hommes se battent pour la lampe. Oscar tombe dans une cascade, inconscient. Il est ramassé par des hommes en noir.

Séquence 8  : Oscar est sur une table d’opération. Une machine recouvre les traces d’images réelles.

Séquence 9  : Oscar est à son bureau, tout est revenu à la “normale”. Il ouvre le tiroir du bureau et le découvre vide. Martin vient s’asseoir à côté de lui. Un homme le félicite pour son travail. La voix de l’écran souhaite une bonne journée aux employés.

Dossier rédigé par Cécile Giraud-Babouche, 2011

  Révélation

La lampe torche donne un nouvel éclairage au monde. Cet objet du passé fonctionne comme un témoin qui réintroduit l’humanité dans l’univers sans vie d’Oscar . Braquée contre le monde, la lampe efface la surface illusoire et ravive les couleurs et les matières. L’image en prise de vue réelle apparaît sous le dessin : Oscar découvre le bois d’une commode mais aussi sa propre chair palpitante et le véritable visage de Lisa, comme lui soumise au temps et donc vouée au vieillissement. Véritable métaphore de l’appareil cinématographique, la lampe torche , garante de la connaissance, relance le processus temporel et mémoriel et vient questionner les origines.

Dans Fard , cette prise de conscience se fait dans la douleur : sidéré par la vérité, Oscar passe par toute une gamme de sentiments extrêmes qui déforment sa figure jusqu’à la laideur. Lisa déchire la peau de son visage et le sang afflue. La vie qui macule alors ses doigts le plonge dans la stupéfaction tandis que s’em-balle le timbre jusque-là régulier et assourdi de sa voix. Mêlés aux cris de terreur de Lisa, ses grognements et onomatopées com- posent un concert chaotique, repris et amplifié lors de la lutte à mort contre Martin dans les égouts.

Le réel monte à l’assaut de l’illusion. Les croyances d’Oscar dans le travail, la technologie et le confort se fissurent et s’effondrent et son refus de remettre en question ce en quoi il croit – « ce qu’on ne voit pas n’existe pas » – le mènent à la mort.

Le film se conclut sur l’idéal totalitaire – c’est la voix robotisée qui a le dernier mot – et pose la question du libre arbitre et de l’asservissement volontaire.

Ce final sombre ouvre un immense champ de réflexions : que devient un homme quand on le prive de mémoire ? Jusqu’à quel point l’identité résiste-t-elle à l’uniformité ? Le confort et l’immortalité promis par la révolution technologique prévalent-ils sur la vérité de la condition humaine, par définition imparfaite et condamnée à la finitude ?

Les auteurs

   Luis Briceno est producteur et réalisateur. 

Il réalise ses propres films essentiellement en animation, en utilisant différentes techniques : dessin, papier découpé, animation d’objets, mélange d’images réelles et d’animation. Après Fard , il a réalisé Adieu Général en 2009 avec un téléphone portable, un film autobiographique où il raconte son enfance au Chili, pour lequel il a choisi la technique du papier découpé et du collage. Le film se rapproche du documentaire animé 

David Alapont a réalisé deux courts métrages d’animation dont Fard , qui est le plus récent.

Il a suivi des études au sein de l’ENSAD (École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs), où il réalise son film de fin d’études, L’Aiguille , en 2002, en utilisant le fusain. Parallèlement à son activité de réalisateur, il est storyboarder et illustrateur.  

La rotoscopie

Fard  utilise la technique de la rotoscopie dont le principe est de tourner avec de vrais acteurs, puis de dessiner image par image par-dessus l’image réelle. Pour une explication en images, voir la vidéo ci-contre réalisée par Charlimars.

http://www.ciclic.fr/fard-technique

ANALYSE DE SEQUENCE

De 02 min 28 à 04 min 15 (treize plans, jusqu’à l’arrivée de la police).  Au cours de cette séquence, la vie d’Oscar bascule tout comme les certitudes du spectateur de  Fard   qui croyait être devant un film d’animation traditionnel.

http://www.ciclic.fr/fard-analyse-de-sequence

  • Par quel procédé cinématographique découvre-t-on l’espace ?
  • Comment peut-on interpréter le fait qu’Arthur torne le dos au répondeur et ne regarde pas l’hologramme de ceux qui lui ont envoyé un message ?
  • En quoi le 3° message modifie-t-il la sérénité apparente du personnage ?
  • Dans le plan suivant, plus large, qu’indique selon vous le léger oscillement de la caméra ?
  • Quand Oscar ouvre la boite, comment est intensifié la curiosité du spectateur ?
  • Qu’apporte l’apparition d’un objet en image réel dans le film d’animation ?

   (en lien avec Fard)-Voir sur le site philofrancais.fr

  • Metropolis de Fritz Lang (1927) et THX 1138 de George Lucas (1971) ont servi de matrice à l’univers totalitaire imaginé par D. Alapont et L. Briceno : pesanteur des décors de la cité futuriste et mondes souterrains dans lesquels les humains sont asservis pour Metropolis ; décor minimaliste et immaculé et voix hypnotique dans THX 1138 .

Film entier  

Total Recall de Paul Verhoeven (1990)
Blade Runner de Ridley Scott (1989)
  • Bienvenue à Gattaca d’Andrew Niccol (1997) traite également de la question de l’humanité à préserver et mobilisent les mêmes motifs : réalité cachée, confusion des identités, corps problématiques, êtres sans émotion ni conscience.

Tous ces films , et des dizaines d’autres…partagent avec Fard le thème essentiel du contrôle des individus que ce soit par un Big Brother ou un invisible « comité », une critique de l’aveuglement technolo- gique et confondent quête identitaire et quête de la vérité dans un même mouvement salutaire.

Oeuvre cursive, La route , MacCarthy, 2009

 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine

Terme inventé par Thomas More en 1516, à partir d’un jeu de mot sur le grec : ou (« ne pas ») et eu (« doux ») utilisés comme préfixe devant topos (« lieu ») et que l’on peut traduire par « lieu imaginaire ». L’utopie définit tout projet de société parfaite. Inspirée en partie par la cité idéale ( callipolis ) de Platon, l’île d’Utopia décrite par More se veut un modèle de société juste et surtout une charge contre la politique anglaise de son époque. L’utopie a donc une fonction critique et alternative. Jugé souvent chimérique, ce rêve de papier a néanmoins donné lieu à des réalisations concrètes, comme le familistère de Guise, « palais social » adapté des phalanstères de Fourier et né des projets de l'industriel Jean-Baptiste André Godin. L’utopiste peut donc être un visionnaire. Pourtant, le mot a aussi une connotation négative : outre son aspect irréalisable, l’utopie se caractérise par ses règles contraignantes souvent jugées liberticides et dangereuses, comme en témoigne l’avènement des sociétés totalitaires. C’est pourquoi le genre utopique s’est vu dénoncé par les romans dystopiques du XX e siècle, comme 1984 de George Orwell. Selon Paul Ricœur, l’utopie constitue avec l’idéologie, l’un de deux pôles de l’imaginaire social.

Philosophes

© Rue des archives/Leemage

C’est pour résoudre la contradiction entre ce qu’il identifiait comme ses deux influences que Ricœur confie être devenu philosophe : la recherche de la vérité, soit « la recherche de la précision conceptuelle », et ses convictions religieuses protestantes – son « sens du drame, de l’intimité, de la profondeur ».

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Thomas More – Remettre en cause notre monde (L’Utopie)

  • Prépa Économique
  • Culture Générale
  • 23 octobre 2022
  • Raphael Gremillet

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Dans cet article, nous allons te présenter les grands traits d’une œuvre de Thomas More qui te sera utile et constituera une référence pour ta dissertation de philosophie, et éventuellement, pour dépasser un sujet . Tu retrouveras une présentation générale de ce livre ainsi qu’une analyse centrée autour du monde.

Cette œuvre est d’autant plus importante qu’elle a permis l’ émergence du mot « utopie » . Après la parution de ce livre viendront de nombreux œuvres en lien avec cette notion ou avec celle de « dystopie » comme Le meilleur des mondes (1932) d’Aldous Huxley , Fahrenheit 451 (1953) de Ray Bradbury, ou encore 1984 de George Orwell (1949). Thomas More a ainsi ouvert une nouvelle perspective, un nouveau genre qui permet d’ imaginer un monde pour mettre en lumière certains aspects du nôtre .

Le genre utopique : présentation

L’Utopie de Thomas More est un livre fondateur de la pensée utopiste, paru en 1516 .

Ce mot émerge de ce livre, et provient des racines grecques «  ou- » (préfixe incluant une restriction) et «  topos » (lieu). Ainsi, le mot utopie signifie « un lieu qui n’existe pas » ou encore « lieu de bonheur » (eu- qui signifie bonheur et topos, le lieu).

C’est un genre littéraire qui mêle récit de voyage et description d’une société parfaite . Cette expérience immersive dans un monde fictif permet de prendre du recul sur le monde actuel en le critiquant.

Ce livre apparait en effet tout d’abord comme une critique adressée aux imperfections de la société anglaise du temps de l’auteur, qui écrit ceci : « Il y a lâcheté à taire les vérités qui condamnent la perversité humaine, sous prétexte qu’elles seront bafouées comme des nouveautés absurdes, ou des chimères impraticables ».

Ainsi, dans le livre Premier, le narrateur reproche aux jurisconsultes et au cardinal d’Angleterre l’injustice de certaines lois ou actions ; par exemple, le commerce de laine a privé les paysans de leurs terres au profit de quelques-uns, qui se partagent la richesse et peuvent laisser paître les troupeaux.

Thomas More nous propose donc la vision d’un nouveau monde  en rupture avec la société anglaise du 16 ème siècle. Les vertus de cette utopie, comme par exemple l’égalité de tous les citoyens , qui s’oppose à la misère de la société de son temps, permettent de dresser une véritable critique du monde anglais de cette époque.

Pour autant, More ne décrit pas une fatalité irrésoluble . En effet, l’auteur fait avant tout part d’optimisme quant à l’avancée des citoyens anglais, car les Utopiens ont réussi à résoudre leurs problèmes. Ainsi, l’Homme peut changer son destin, tout comme les Anglais peuvent réparer leurs dérives.

Cette œuvre est intéressante puisque l’auteur se refuse à recourir au merveilleux, au genre fantastique, comme en atteste l’absence de climat paradisiaque : pas de providence divine ni d’une quelconque volonté de Dieu qui pourraient tout résoudre. More met donc en avant la possible réalisation de cette société parfaite , qui, en réalité, provient de la volonté des hommes.

Description de l’oeuvre

Dans le Premier livre, il est question d’un dialogue entre 3 personnages : Thomas More , Pierre Gilles (son éditeur et ami) puis Raphaël Hythlodée (personnage fictif), un marin philosophe qui nous décrit l’Ile d’Utopie et dénonce les injustices de la société anglaise.

Dans le Second livre, nous trouvons un monologue d’Hythlodée, une description de l’île, qui est une île fictive situé dans l’Hémisphère Sud, et apparaît comme l’image de l’Angleterre si celle-ci était mieux dirigée.

Concernant l’organisation interne de l’île, celle-ci est divisée en 54 villes, construites de manières identiques et possédant les mêmes institutions, langues et mœurs. Il y règne une véritable autarcie économique , pour permettre une sorte de rationalisation.

Ainsi, les champs sont, par exemple, répartis en fonction du travail agricole et des besoins des habitants. La société entière est fondée sur l’agriculture ; et en effet, l’Utopien doit avoir travaillé deux ans au minimum à la campagne. Toutes les personnes travaillent 6h par jour au lieu des plus de 12h de l’époque, et consacrent le reste de leur temps à l’amélioration de la société . La paresse est condamnée, ce qui permet à tout le monde de s’adonner pleinement à ses activités.

Certains parleront même de planification d’une société communiste, puisque la propriété privée est abolie, et les Utopiens établissent la possession commune et doivent changer de domicile tous les 10 ans.

D’un point de vue économique, les ressources sont données selon les besoins, et aucune monnaie n’existe . Ainsi, il n’y a pas d’échanges économiques , sauf pour les métaux, que les Utopiens considèrent peu. Le pouvoir ne se situe pas dans la main d’une seule personne, mais tous les ans, « 3 vieillards » sont élus députés par chaque ville puis se déplacent à Amaurote, la capitale de l’île, afin de débattre sur les affaires nationales.

Le bonheur chez un Utopien pourrait se rapprocher de l’épicurisme  : «  Le bonheur, pour eux, ne réside pas dans n’importe quel plaisir, mais dans le plaisir droit et honnête vers lequel notre nature est entraînée. Il leur faut fuir tout acte qui pourrait être source extérieure de souffrance pour soi ou pour autrui » .

De plus, aucune religion n’est interdite : elles coexistent et sont diverses. Cependant, la religion prédominante est le monothéisme , avec la reconnaissance d’un Dieu tout-puissant, qui est inexplicable, et appelé « Père » .

Perspectives d’analyse

Le meilleur des mondes.

More, par la description du personnage fictif Raphaël, établit un lieu parfait, une véritable utopie, un lieu de bonheur où tout est identique, équilibré. Puisque toutes les villes possèdent les mêmes atouts et caractéristiques, il suffit d’en avoir vu une pour les connaitre toutes. L’égalité , la vertu , l’intégrité et le dévouement règnent dans cette société, qui semble être la meilleure possible.

En effet, le livre de Thomas More est initialement intitulé L a meilleure forme de communauté politique et la nouvelle île d’Utopie . Cela se manifeste également par le fait que les Utopiens détestent la guerre et l’évitent autant que possible, même s’ils réalisent des exercices au cas où ils auraient à se défendre. Les habitants essayent en réalité de ne pas tomber dans l’excès, adoptant ainsi la perspective de cette sagesse épicurienne .

Le personnage Raphaël termine sur ces mots : «  Je vous ai décrit le plus exactement possible la structure de cette république où je vois non seulement la meilleure, mais la seule qui mérite ce nom. Toutes les autres parlent de l’intérêt public et ne veillent qu’aux intérêts privés. Rien ici n’est privé, et ce qui compte est le bien public » . Bien loin de La fable des abeilles de Mandeville qui prime en Europe, le marin souhaite donc que la participation collective présente sur cette île s’applique dans toutes les sociétés .

Changer le monde

Finalement, Thomas More dresse un nouveau monde et la possible réalisation de ce nouveau monde , qui rompt avec les injustices sociales et économiques régnant dans l’Angleterre de l’époque. Si cette conception a donné naissance à un véritable genre utopique et nourri de profondes réflexions, certains ont dénoncé l’uniformisation que cette forme de société représentait.

Ils redoutent en effet une société où il n’y a plus de place pour la réussite individuelle, l’enracinement à une culture propre et une vie certaine. La diversité se meurt au profit d’un égalitarisme presque totalitaire. La société dicte, par avance, le Bien que doivent vouloir les habitants.

Ainsi, certains dénoncent une utopie qui tournerait en dystopie : dans une telle société, serions-nous réellement dans le meilleur des mondes possibles ?

  • L’utopie (lieu qui n’existe pas ou lieu de bonheur), mise en avant par Thomas More, permet de décrire un nouveau monde qui rompt avec les imperfections de la société anglaise de l’époque.
  • L’ile repose sur l’égalité, l’engagement, le respect et la sagesse épicurienne, qui permettent à tous les habitants de vivre harmonieusement . On retrouve ici l’idée de totalité ordonnée qui correspond au monde, et s’exprime cette fois-ci par l’unité de la société-même.
  • La proposition de ce nouveau monde, réalisable selon l’auteur, donne des pistes de réflexion sur le nôtre .

Retrouve un autre exemple d’utopie dans notre fiche sur le monde chez M. Abensour . Toutes nos autres fiches sur « Le monde » sont ici ! Bon courage pour tes révisions !

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  • Dissertation

La méthode de la dissertation de philosophie !

Publié le 27 novembre 2018 par Justine Debret . Mis à jour le 7 décembre 2020.

Quelle méthode suivre pour une dissertation de philosophie ? C’est une question que l’on se pose depuis le lycée et qui nous préoccupe encore à l’université.

Table des matières

Étape 1 de la méthode d’une dissertation – analyser le sujet en profondeur, étape 2 de la méthode d’une dissertation – problématiser, étape 3 de la méthode d’une dissertation – faire un plan, étape 4 de la méthode d’une dissertation – argumenter, étape 5 de la méthode d’une dissertation – l’introduction, le développement, les transitions et la conclusion, étape 6 de la méthode d’une dissertation – la relecture et correction de votre dissertation, présentation gratuite, 1. lire le sujet attentivement.

Cela parait évident, mais la première étape est de lire le sujet en entier . Si plusieurs sujets de dissertation sont proposés, il vous faut les lire  tous   avant de choisir le sujet qui vous semble le plus approprié (celui que vous avez le plus préparé).

Exemple de sujets

2. définir les termes du sujet.

Il est primordial de définir les termes du sujet, afin de le comprendre et de choisir un angle d’attaque.

Conseil Utilisez l’étymologie des mots.

Les mots ont des définitions diverses et vous devrez choisir une définition spécifique pour les termes centraux du sujet en introduction.

Exemple de définition des termes

Sujet  : Le travail n’est-il qu’une contrainte ?

Il faut définir les termes “travail”, “contrainte” et “qu’une”. Si des idées, des concepts, des théories ou des auteurs vous viennent à l’esprit, notez les sur votre brouillon !

Travail  : au sens économique, le travail est une activité rémunérée ou non qui permet la production de biens et services. Avec le capital, c’est un facteur de production de l’économie. L’étymologie du terme travail est tripalium (instrument de torture), un instrument formé de trois pieux, deux verticaux et un placé en transversale, auquel on attachait les animaux pour les ferrer ou les soigner, ou les esclaves pour les punir.

Contrainte  : une chose imposée par l’extérieur contre la volonté d’un individu (différent d’une obligation).

Qu’une  : seulement, uniquement.

3. Faire un brainstorming sur le sujet

Soulignez les mots du sujet qui vous semblent essentiels et essayez de les définir ou de trouver des synonymes.

Étalez plusieurs feuilles de brouillon et écrivez toutes les idées qui vous viennent à l’esprit concernant votre sujet.

Relisez souvent le sujet pour éviter le hors-sujet.

L’analyse du sujet constitue une étape majeure de la réponse : elle cerne à viser précisément les exigences du libellé.

  • Elle porte sur les termes essentiels figurant dans le libellé.
  • Elle doit permettre de dégager le ou les problèmes posés par le sujet et de délimiter le domaine concerné par le sujet.

Exemple de brainstorming

  • Le travail peut être un plaisir.
  • Est-ce une contrainte ou une obligation que l’homme s’inflige ? Que serions-nous sans le travail ?
  • C’est une activité imposée de l’extérieur, donc une contrainte.
  • Le travail permet de nous libérer ?
  • Le travail est une fin en soi ?
  • Est-ce imposé par la société ?

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Corriger un texte gratuitement

Grâce aux définitions et au brainstorming , faites un travail de reformulation avec vos propres mots de la question qui vous est posée.

Astuce Commencez la question par “en quoi” (pour une réponse avec différents arguments) ou “est-ce que” (pour une réponse en thèse/antithèse).

Lors de la problématisation du sujet, demandez-vous si vous pouvez y répondre avec vos connaissances et si vos propos sont en relation directe avec le sujet de la dissertation de philosophie.

Exemple de problématique

Problématique  : Est-ce que l’Homme est contraint ou obligé de travailler ?

Maintenant que vous avez une problématique, il faut faire un plan qui y répond. Recherchez des idées et notez-les de manière ordonnée.

En fonction du sujet de dissertation de philosophie proposé, un type de plan va s’imposer : dialectique, analytique ou thématique.

Nous conseillons de faire un plan en trois parties (et deux sous-parties). Toutefois, ce n’est pas obligatoire et vous pouvez faire deux parties (et trois sous-parties).

Il existe plusieurs types de plan  :

  • Le plan dialectique (ou critique).
  • Le plan analytique.
  • Le plan thématique

Exemple de plan

Plan  :

I) Le travail n’est qu’une activité imposée par l’extérieur contre la volonté de l’Homme

A) L’origine du travail B) Il est imposé à l’humanité par d’autres Hommes C) Le travail et la société

II) Le travail est une activité que l’être humain s’impose librement à lui-même

A) Travailler est naturel pour l’Homme ? B) Le travail comme une libération C) Le travail est une fin en soi

L’analyse du sujet de la dissertation de philosophie permet de dégager deux ou trois idées qui sont les parties de votre développement.

Chaque argument est l’objet d’un paragraphe qui doit présenter une explication de l’argument, des exemples précis et une phrase conclusive.

Exemple d’argumentation

B) Le travail comme libération

Argument 1 : D’après Kant, l’Homme se dicterait librement le travail car il en aurait besoin pour se libérer de la nature qui est en lui. En effet, le travail est une activité qui induit de suivre des règles, et ces règles permettent à l’être humain de se libérer de la nature qui réside en lui, c’est-à-dire de se civiliser. Cette nature qui habite l’être humain s’exprime par le désir, l’instinct et les sentiments d’après Kant. Le travail est donc l’activité qui permet à l’Homme de ne plus être esclave de sa nature et d’accéder à l’estime de soi.

Exemple : C’est-à-dire que lorsque l’Homme travail, tout ce qu’il construit « il doit en avoir tout seul le mérite et n’en être redevable qu’à lui-même ». D’après Kant, le travail permet aussi d’évoluer et d’accéder à la culture, car si l’Homme ne travaillait pas, il serait resté au stade primitif. Par exemple, un consultant qui travaille pour Deloitte sur différentes missions continuera de se perfectionner et d’accumuler des connaissances au fil de sa carrière.

Conclusion : Par conséquent, l’Homme s’oblige à travailler pour se libérer de la nature qui est en lui et pour accéder à l’estime de soi, ainsi qu’à la culture.

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1. L’introduction d’une dissertation

L’introduction d’une dissertation de philosophie permet de poser le sujet et d’exposer clairement le problème.

Elle ne doit pas être trop longue (10 à 15 lignes) et s’adresse à un lecteur profane.

L’introduction d’une dissertation de philosophie doit comporter :

  • une amorce ;
  • l’énoncé du sujet (si c’est une citation, elle doit figurer dans l’introduction avec le nom de l’auteur) ;
  • la définition des termes et reformulation du sujet ;
  • la problématique ;
  • l’annonce du plan de la dissertation.

Exemple d’introduction

Sujet  : Le travail n’est-il qu’une contrainte?

Introduction  :

« Le travail a quelque chose de semblable à la mort. C’est une soumission à la matière. » a dit Guillaume Apollinaire. Il pose ainsi la question du travail, comme une unique contrainte. L’étymologie latine du mot travail, « tripalium », signifie « instrument de torture ». En outre, c’est une action liée à la souffrance et qui possède une dimension fortement négative. Par définition, le travail est une activité de transformation de la nature qui a pour effet de transformer l’Homme lui-même. Pour Blaise Pascal, c’est un divertissement qui occupe une grande partie de la vie des Hommes et qui permet de masquer les problèmes essentiels de l’existence humaine. On définit une contrainte comme étant est une chose imposée par l’extérieur contre la volonté d’un individu. Or, il faut bien différencier une contrainte d’une obligation, qui elle est une activité que l’individu s’impose lui-même librement. On peut donc se demander est-ce que l’Homme est contraint ou obligé de travailler ? Dans un premier temps, nous nous demanderons si le travail n’est qu’une activité imposée par l’extérieur contre la volonté de l’Homme, puis dans un deuxième temps nous nous interrogerons sur le fait que le travail est une activité que l’être humain s’impose librement à lui-même.

2. Le développement

Le développement comporte deux ou trois parties, nettement séparées. Il faut sauter une ligne après l’introduction, entre chaque partie, et avant la conclusion.

Chaque partie est divisée en trois ou quatre paragraphes qui s’articulent autour d’un argument ou d’une idée directrice.

Tout argument doit être illustré par un exemple littéraire qui donne lieu à une analyse permettant au lecteur d’apprécier leur pertinence. Chaque partie s’achève sur une phrase de conclusion.

Exemple de développement

Effectivement, l’Homme s’imposerait librement le travail, car il en aurait besoin pour se libérer.

Exemple : C’est-à-dire que lorsque l’Homme travail, tout ce qu’il construit « il doit en avoir tout seul le mérite et n’en être redevable qu’à lui-même ». D’après Kant, le travail permet aussi d’évoluer et d’accéder à la culture, car si l’Homme ne travaillait pas, il serait resté au stade primitif.

Conclusion : Par conséquent, l’Homme s’oblige à travailler pour se libérer de la nature qui est en lui et pour accéder à l’estime de soi ainsi qu’à la culture.

Argument 2 : Par ailleurs, d’autres philosophes voient dans le travail un autre facteur de libération. En effet, pour Pascal, le travail permet à l’Homme de se libérer de la misère existentielle, qui est le maux le plus douloureux de l’espèce humaine et qui est en fait la définition de la condition humaine. La misère existentielle est en fait une angoisse, un ennui qui est commun à tous les Hommes et qui résulte d’une interrogation sur l’existence humaine.

Exemple : Ces questions existentielles, qui sont universelles, plongeraient l’Homme dans une angoisse et un ennui profond. Il existe de nombreuses questions de ce genre comme « que faire de sa vie ? » ou bien « que faire face à l’angoisse de la mort ? ». Pascal considère que pour se libérer face à ce maux l’Homme s’impose librement le travail, qui est un divertissement qui l’occupe et l’empêche de se poser ces questions existentielles. C’est-à-dire que le travail est la seule solution pour l’Homme face au sentiment insupportable que l’existence humaine est absurde.

Conclusion  : Par conséquent, l’Homme se dicte librement le travail car c’est l’unique solution face à l’angoisse et l’ennui causés par la condition humaine. Le travail, d’après ces deux exemples constitue une obligation pour l’Homme dans le sens où il se l’impose librement afin de se libérer de la nature qui est en lui, ainsi que de la misère existentielle qui l’habite. Toutefois, le travail pourrait n’être considéré que comme une contrainte s’il constituait une activité réalisé pour une fin extérieure.

3. Les transitions

Dans une dissertation de philosophie, les transitions sont primordiales. Elles permettent de lier les parties entre elles.

Deux types de transitions sont utilisés :

  • Les transitions entre grandes parties (I et II par exemple).
  • Les transitions entre chaque sous-partie (entre A et B par exemple).

Une transition est faite de plusieurs parties :

  • une mini-conclusion de la partie ou sous-partie précédente ;
  • une critique d’un point faible de la partie précédente ;
  • l’annonce de la partie qui suit.

Exemple de transition

Transition (de B vers C) :

Nous avons mis en exergue que le travail permet à l’Homme de se libérer de la nature qui est en lui et de sa misère existentielle (B). Toutefois, notre étude ne s’est pas encore intéressée aux autres apports du travail. Nous allons désormais nous intéresser au travail comme une fin en soi (C).

4. La conclusion d’une dissertation

La conclusion d’une dissertation de philosophie est une synthèse du développement. Il faudra clairement indiquer la réponse à la problématique de l’introduction. Il est possible d’ajouter ensuite une ouverture qui propose une extension de la réflexion sur un autre angle du thème.

Exemple de conclusion

Conclusion  :

Le travail ne peut guère être uniquement considéré comme une simple contrainte même si il est imposé à l’Homme par d’autres individus. En effet, il s’agit aussi d’une obligation, une fin en soi, qui lui permet en quelque sorte de s’émanciper la nature qui est en lui ainsi que de sa condition humaine. Le travail permet en effet à l’Homme de se libérer d’aspects contraignant liés à l’existence humaine.

Voici une présentation de cours gratuite sur comment faire une dissertation. Vous pouvez l’utiliser avec vos élèves ou simplement de manière personnelle pour travailler la méthode de la dissertation de philosophie.

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Debret, J. (2020, 07 décembre). La méthode de la dissertation de philosophie !. Scribbr. Consulté le 8 avril 2024, de https://www.scribbr.fr/dissertation-fr/methode-dissertation/

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Justine Debret

Justine Debret

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Commentaire et dissertation

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L’utopie, l’utopie definition.

Utopie definition: L’utopie est un genre littéraire, aujourd’hui lié à la science-fiction. Le mot « utopie » est créé en 1516 par l’auteur anglais Thomas More qui intitule son ouvrage Utopia . L’étymologie du mot vient du grec u- (privatif)topos (lieu) c’est-à-dire un lieu qui n’existe pas.

On voit de dessus la definition de l'utopie avec le projet indien d'Auroville.

Utopie definition:

  • c’est un lieu idéal où règne un bonheur parfait. L’utopie renvoie à un pays paisible dans lequel s’impose le mythe de l’Age d’Or (tout est à profusion et disponible sans effort)
  • Société dirigée par un gouvernement idéal (sage et juste)
  • Par extension: idéal social et politique décroché de toute réalité
  • Genre littéraire ayant pour cadre un idéal absolu.

2 Utopie definition des origines:

A/les textes de l’antiquité.

Tout d’abord, dans l’Antiquité des auteurs tels que:

  • Hésiode, dans Les Travaux et les jours  ,
  • Platon  par la description de sa cité idéale
  • et Ovide dans Les Métamorphoses   racontent des histoires ancrées dans un monde idéal où règnent la paix, la justice et l’abondance.

Le mythe de l’Age d’Or et de la Corne d’abondance sont associés à l’utopie. Elle définit une société harmonieuse et libre.

B/La récupération religieuse

  • « La Jérusalem Future » décrite dans la Bible s’apparente à la Cité Idéale de Platon. Cependant, Dieu est celui qui permet au bonheur se régner et à la justice de se répandre.
  • De même, chez Saint Augustin, la vie au paradis ressemble au Mythe de l’Age d’or, tout est à, portée de main.

C/L’humanisme

  • Ensuite Thomas More forge le néologisme « Utopia » pour désigner une île fictive sur laquelle se déroule son récit. Les Utopiens ne possèdent pas les maisons , ils changent de maison pour que chacun puisse tour à tour profiter d’exposition favorable et de jardins agréables.
  • De plus, «  L’Abbaye de Thélème  » (qui vient du grec Thelema: la volonté divine) de François Rabelais (extrait de Gargantua ). L’abbaye de Thélème apparaît comme un modèle, opposé aux abbayes traditionnelles. Chacun vit selon son bon vouloir: pour les horaires, les repas, l’éducation est valorisée pour les hommes comme pour les femmes.
  • Ainsi, l’utopie apparaît comme la forme de texte en parfait adéquation avec les valeurs de justice, de fraternité et d’éducation valorisées par la pensée humaniste.

D/Les Lumières

  • Le chapitre 18 du Candide de Voltaire intitulé «  Eldorado  » renvoie à un chapitre utopique. Les habitants d’ Eldorado comme les Utopiens de Thomas More portent des valeurs opposées à celles défendues par les Européens trop superficiels. L’ Eldorado valorisent les valeurs humaines, la justice, la sagesse, l’égalité et l savoir.
  • L’île des esclaves de Marivaux est une pièce en 5 actes qui questionne les questions du pouvoir, de l’égalité et de l’amour.
  • L’Utopie est un genre qui permet de défendre les valeurs des Lumières et de l’Encyclopédie.

3) La renaissance de l’utopie au XXème siècle

Par ailleurs, après la seconde guerre mondiale, l’utopie renaît sous sa forme inversée, elle met donc en évidence une contre-utopie aussi appelée dystopie .

Certains auteurs anglais incarnent la renaissance de l’utopie:

  • George Orwell se fait connaître avec des récits très célèbres comme La Ferme des animaux. Le roman  porte sur la dénonciation du communisme et 1984 annonce les excès de la surveillance d’une société autoritaire.
  • Ray Bradbury avec Fahrenheit 451 montre les dangers d’une société autoritaire. Les habitants sont ainsi privés de mémoire et de réflexion car la lecture est bannie.
  • Aldous Huxley montre avec Le Meilleur des mondes les dangers de la science et de son usage excessif dans nos sociétés.

Si tu as des questions sur l’utopie ou la dystopie, pose-les dans les commentaires.

Pour aller plus loin:

Genres littéraires

L’argumentation

Commentaire de texte d’une utopie des Lumières: chapitre 18 de Candide (Eldorado)

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Quelle place pour l’utopie dans la philosophie politique ?

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Utopia/Dystopia/Atopia: A Dissertation on Psychopathology and Utopian Thinking

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Revue pluridisciplinaire du monde antique

Accueil Numéros 24 Dossier thématique : L’imaginaire... L’utopie de Thomas More à Rabelai...

L’utopie de Thomas More à Rabelais : sources antiques et réécritures

Parmi les philosophes antiques qui se sont intéressés à la question de la meilleure communauté politique, Platon et Aristote constituent les sources essentielles de l’ Utopie de More, publiée en 1516. La forme du dialogue philosophique au livre I ou du traité de philosophie politique au livre II se lisent en filigrane d’un texte profondément original, premier représentant d’un genre littéraire nouveau. Mais si les auteurs antiques examinent de façon abstraite les principes d’organisation et de fonctionnement de la cité idéale, More choisit le mode descriptif d’un discours fictif représentant l’île d’Utopie comme existant réellement, dans un ailleurs défini comme « nul-lieu ». Entre sérieux et ironie, c’est la voix de Lucien que le texte fait entendre, Lucien qui est aussi au cœur de l’intertextualité qui unit l’ Utopie à l’œuvre rabelaisienne, et se décline sur le mode d’un humanisme facétieux.

Amongst the ancient philosophers who examined the question of the best political community, Plato and Aristotle appear as the essential sources of More’s Utopia , published in 1516. The form of the philosophical dialogue in Book I or that of the political philosophy treatise in Book II implicitly shape this most original text that represents the first example of a new literary genre. But while ancient authors discussed the organisation and running of the ideal city on an abstract level, More chooses to describe Utopia through a fictitious account that presents the island as existing in reality – in an elsewhere defined as “no-place”. Half in earnest, half in jest, More’s Utopia resonates with the voice of Lucian – Lucian who stands at the heart of the intertextual relation that links Rabelais’ works to Utopia , through a consistently playful approach informed by a facetious humanism.

Entrées d’index

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1 Prévost 1978, 61 sq .

1 L’ Utopia de Thomas More a été publiée en 1516 au terme d’une gestation de six ou sept années – comme l’a montré A. Prévost 1  – au cours desquelles l’auteur a accumulé des notes de lectures sur toutes sortes de textes traitant des différentes formes de gouvernement, et pendant lesquelles ses échanges réguliers avec Érasme ont peu à peu fait émerger l’œuvre dans sa forme définitive. L’amitié des deux hommes, née de leur rencontre à Londres en 1499 (More avait alors 21 ans, Érasme douze ans de plus), se fonde en particulier sur l’intérêt commun des deux grands humanistes pour une éducation intellectuelle envisagée comme un instrument de réforme et de progrès moral pour l’individu d’abord, et par conséquent pour les sociétés humaines, et leurs institutions. En 1511 Érasme publie l’ Éloge de la Folie , discours satirique reflétant la colère et la déception qu’il ressent, au terme d’un séjour dans les universités italiennes où il s’est rendu compte de la résistance que rencontrent son projet de réforme éducative et sa défense du retour nécessaire aux textes originaux comme condition fondamentale d’une réflexion en profondeur sur les textes des Anciens comme sur ceux de l’Écriture. Cet Encomium Moriae est dédié avec humour à son ami : si le nom de Morus, dit Érasme, rappelle les sonorités de Moria, il ne saurait pourtant y avoir de plus grande distance entre cette folie et l’immense sagesse de More, perçue très tôt par Érasme ; d’ailleurs, les deux hommes tombent d’accord sur la nécessité d’écrire, en parallèle à cet Éloge de la Folie , un éloge de la Sagesse dont la responsabilité reviendrait à More. Utopia sera cet éloge de la Sagesse, ou du moins le produit de ce projet élaboré comme pendant à l’ Éloge de la Folie .

2 Ibid. , 66.

  • 3 Il rappelle aussi la Moria de l’ Encomium moriae , grec latinisé – jeu de mot (...)
  • 4 Avant même de le présenter comme compagnon d’Amerigo Vespucci, Pierre Gilles s’empresse (...)

2 Le nom d’ Utopia n’a été trouvé par More qu’au tout dernier moment, peu de temps avant la publication : Utopia s’est longtemps appelée Nusquama , dans les échanges entre Érasme et More qui, à la question : où trouver la Sagesse ?, avaient répondu Nusquam , nulle part 2 , désignant par la suite leur projet commun sous le nom de Nusquama nostra , notre nulle part. Le passage de Nusquama à Utopia est aussi caractéristique de l’hellénisme de l’ Utopie 3 , de l’onomastique ludique de noms formés presque exclusivement sur des racines étymologiques grecques à l’expression réitérée de la supériorité de l’héritage philosophique grec sur celui des Latins 4 .

5 Prévost 1978, 27.

3 L’histoire de la composition de l’œuvre permet aussi d’en éclairer la structure. L’ Utopie est composée de deux livres : la description proprement dite de l’île, de ses habitants et de ses institutions ne commence qu’au début de la seconde partie, narration à la première personne qui se présente comme le discours d’un navigateur, Raphaël Hythlodée, personnage parfaitement fictif mais présenté dans le livre I comme compagnon de voyage du grand navigateur florentin, Amerigo Vespucci. On sait, grâce à des allusions très claires à la gestation de l’œuvre dans la correspondance d’Erasme, que le second livre a été composé le premier, au terme d’un long travail préparatoire comprenant lectures, prises de notes, entretiens avec d’autres humanistes, et en en particulier Érasme, tandis que ce qui apparaît désormais comme le livre I de l’ Utopie a en fait été rédigé en 1516, l’année même de la publication du livre (qui paraîtra en décembre de cette année-là). De ce premier livre, More avait cependant déjà composé le court Prologue qui introduit le personnage-narrateur de la seconde partie, le marin Raphaël Hythlodée, dans des circonstances qui mêlent la fiction à l’histoire : le narrateur de la première partie n’est autre qu’un Thomas More-personnage qui se trouve en Flandres au printemps et à l’été de l’année 1515, envoyé par le roi d’Angleterre en mission de négociation politique et commerciale (ce qui est tout à fait conforme à la réalité historique). Ce Thomas More-personnage, se rend de Bruges à Anvers, où réside son ami Pierre Gilles (dans la réalité très proche ami de Thomas More, correcteur chez l’éditeur Martens et coéditeur de l’ Utopie ). C’est Pierre Gilles qui introduit Raphaël Hythlodée, un dimanche à la sortie de la messe, auprès d’un Thomas More intrigué par l’allure de cet « étranger d’un certain âge, au visage hâlé, à la barbe longue, la pèlerine négligemment jetée sur l’épaule », dont le visage et le vêtement font penser « à un capitaine de navire » 5 . La conversation que les trois hommes entament aussitôt convainc More de les inviter à venir la prolonger chez lui, sur un « banc de gazon » dans le jardin de la maison où il réside.

  • 6 Bien que Raphaël Hythlodée prenne le soin prudent de faire remonter à douze ans le séjour e (...)

4 Ce que More a composé en 1516 correspond à l’essentiel du livre I, c’est-à-dire au dialogue qui s’ouvre alors entre les trois hommes, et principalement entre More-personnage et Raphaël Hythlodée, dans lequel ce dernier se révèle être un homme d’une grande sagesse, qui fustige avec violence l’iniquité qui règne dans l’Europe contemporaine et en particulier dans le royaume d’Angleterre où il a séjourné voici douze ans 6 . Il y a été témoin des ravages du mercantilisme et de l’incurie des rois qui préfèrent continuer à régner sur un peuple de mendiants plutôt que de remettre en cause la façon dont leur royaume est gouverné, et qui n’ont en tête que conquêtes et guerres d’expansion, quand leur propre royaume est lui-même si mal administré et réclamerait toute leur attention. L’insertion tardive de ce dialogue entre le Prologue et le livre II a laissé des traces visibles, le retardement de la description de l’île d’Utopie étant évoqué lourdement et à trois reprises par Hythlodée. Mais en dépit de cette jointure peu discrète, le dialogue qui constitue le premier livre représente un texte brillant où s’élabore une critique politique et sociale radicale de l’Angleterre à l’aube du XVI e  siècle, de son mercantilisme et de la corruption de son gouvernement, critique qui prépare et finalement introduit l’éloge d’ Utopia au livre II.

Le livre I et la forme du dialogue philosophique

  • 7 Prévost 1978, 37, rappelle que l’éducation de Thomas More au collège St. Anthony de Londr (...)

8 Quintilien III.7.26-7.

9 Logan et al . 1995, xxvi  sq .

10 En 1517. Voir MacNalty 1977, à propos des activités politiques et sociales de More.

5 L’ Utopie , pour reprendre les mots d’A. Prévost, « est un extraordinaire exercice de rhétorique » 7 . Si le second livre représente un parfait exemple du genre épidictique de l’éloge paradoxal – l’éloge d’une cité étant reconnu dans la rhétorique classique comme un sous-genre de la rhétorique démonstrative, selon l’analyse de Quintilien 8  – le premier livre présente des affinités très claires avec l’art de la rhétorique délibérative, à l’intérieur duquel les topoi , dont les manuels de rhétorique dressent l’inventaire, fournissent à l’ inventio matière à création et développement d’arguments convaincants 9 . Les topoi ici considérés – l’injustice d’une société oligarchique, la responsabilité des élites oisives dans le développement de la pauvreté et du vol, l’incurie des rois et l’iniquité du système judiciaire, le problème du conseil des rois – sont des thèmes que Thomas More connaît bien : en tant que sous-sheriff de Londres, il est depuis 1510 chargé de juger des affaires courantes de la ville ; responsable de l’amélioration des égouts et canalisations de la ville, il connaît l’insalubrité de certains quartiers de Londres, ville sale et enfumée où vient se concentrer la pauvreté engendrée par un régime injuste. Homme de terrain, déjà engagé très activement dans la vie politique de son pays, et sur le point d’entrer dans le conseil du roi Henri VIII 10 , Thomas More a pourtant choisi dans l’ Utopie d’aborder en tant qu’humaniste, lecteur des Anciens et rompu aux méthodes de la rhétorique classique, ces sujets dont il possède une connaissance empirique. Ses lectures de Platon d’abord, mais aussi d’Aristote et de Lucien dont il a traduit quatre dialogues – et de bien d’autres auteurs encore, dont les traces dans le texte sont plus élusives – ont contribué à donner forme à l’ Utopie , la réflexion de More s’élaborant à l’intérieur d’un dialogue continu avec les textes des Anciens.

  • 11 Prévost 1978, 65 : « En vérité, ce très grand sage avait prévu qu’il n’y avait pour la so (...)
  • 12 Trad. : Prévost 1978. Le titre complet de l’édition de 1518, à Bâle, est le suivant : De (...)

13 Voir infra .

6 Qu’il s’agisse de la forme choisie, celle d’un dialogue politique et philosophique, ou bien de l’analyse en elle-même des maux politiques et sociaux engendrés par une mauvaise forme de gouvernement, la référence à Platon s’impose dès les premières pages du livre I, et Platon lui-même est cité dans ce premier livre, à travers un vibrant hommage d’Hythlodée 11 . Mais c’est aussi à Aristote, et plus particulièrement au livre II de la Politique , que renvoie le titre complet de l’ Utopie  : « La meilleure forme de communauté politique et la nouvelle île d’Utopie » 12 . La référence à Aristote est cependant plus déterminante pour le livre II de l’ Utopie où l’exposition des différentes composantes de la société utopique rappelle le plan de la Politique 13 .

14 Starnes 1990.

7 Le P. Surtz, jésuite américain auteur d’une des plus importantes éditions commentées de l’ Utopie , a été l’un des premiers commentateurs de More à s’intéresser de près à l’intertextualité qui unit le livre I de l’ Utopie à la République de Platon, une intertextualité que More souligne dès l’ouverture narrative du Prologue, en choisissant de commencer son récit par une conversation dans une ville portuaire entre philosophes et amis, à l’issue d’une cérémonie religieuse : au début de la République , une fête d’Artémis au Pirée est l’occasion de la visite de Socrate dans la maison de Céphale, tandis que les humanistes d’Anvers se rencontrent à la sortie de la messe. Dans une étude plus récente 14 , C. Starnes a étudié la façon dont More, au début du livre I, suit en tout point la méthode d’exposition qui est celle de Platon au début de la République  : More, comme Platon, décrit les racines du problème politique et défend la thèse du caractère inadéquat de toutes les solutions existantes. Il s’agit ainsi de préparer le terrain à l’exposé de la nécessité de structures radicalement nouvelles : dans la République , il s’agit d’examiner l’origine d’un État pour découvrir ce qu’est la justice ; dans l’œuvre de More, c’est la description d’Utopie qui doit permettre de découvrir quelle pourrait être la meilleure forme de communauté possible.

15 Prévost 1978, 37.

8 La dénonciation virulente par Raphaël Hythlodée de l’injustice sociale qui règne en Europe en général, et en Angleterre en particulier, est centrée sur une analyse critique de la société oligarchique et de ces nobles qui « ne se contentent pas de vivre dans l’oisiveté, comme des frelons nourris du labeur d’autrui », mais entraînent à leur perte, par leur exemple déplorable, des hordes de courtisans oisifs qui après leur mort, incapables de remplir la moindre fonction utile dans la société, viendront grossir les rangs des hordes de voleurs 15 . La métaphore des frelons est directement tirée du livre VIII de la République où Socrate analyse la perversité du système de recrutement des oligarques en fonction non de leur aptitude particulière à diriger l’État et à lui être utile, mais en fonction de leur fortune, et interpelle ainsi son interlocuteur :

16 République , VIII, 552 b (trad. Baccou 1966 qui sera utilisée pour toutes les autres citat (...) Veux-tu donc que nous disions d’un tel homme que, comme le frelon naît dans une cellule pour être le fléau de la ruche, il naît, frelon lui aussi, dans une famille pour être le fléau de la cité 16  ?

D’une manière générale, l’analyse platonicienne de l’oligarchie semble avoir fourni à More un cadre très précis à sa propre réflexion sur les méfaits d’une organisation politique qui fait passer la fortune avant le mérite, et sur la relation étroite qui lie dans ces sociétés l’extrême richesse des uns à l’extrême pauvreté des autres.

  • 17 Pour une analyse approfondie du parallèle entre Socrate et Hythlodée, voir Star (...)
  • 18 Quattrocki 1971, 27, souligne le parallèle entre le sens du devoir dont fait preuve le vo (...)

9 Le personnage de Raphaël Hythlodée, chargé de l’essentiel de cette critique virulente au livre I, doit lui-même beaucoup au personnage de Socrate 17 . Hythlodée se voit attribuer les caractéristiques du philosophe : il s’est entièrement consacré à la philosophie, n’est ni avide de pouvoir, ni avide de richesses, et s’est donné pour but de répandre la vérité : sa préférence personnelle aurait été de continuer à vivre en Utopie – où il est resté cinq ans – mais le sentiment du devoir d’en parler au monde lui a fait braver les dangers du retour en Europe 18 . Il ne se distingue pas non plus par un style brillant, mais par la vérité et la simplicité de son discours.

10 Pour autant, si la sagesse de Socrate est tout intérieure, le philosophe ne s’étant éloigné que des apparences pour pouvoir contempler la vérité intelligible, la sagesse de Raphaël Hythlodée vient en grande partie de ses voyages et des expériences humaines auxquelles ces derniers l’ont conduit. Pour More et les humanistes chrétiens, le problème se pose de toute façon en des termes bien différents, puisque le Christ, depuis son avènement, représente le plus parfait des philosophes et le détenteur de la vérité intelligible – le problème pour More est davantage celui de l’application concrète de cette vérité dans tous les aspects matériels de la vie terrestre. Mais là encore, More rejoint explicitement le texte de la République , à travers une interrogation sur la place du sage dans la cité et sur le rôle que peut jouer celui qui sait auprès de ceux qui règnent.

11 C’est en effet cette sagesse née de l’expérience, en même temps que la capacité d’Hythlodée à divertir par le récit pittoresque de ses voyages, qui conduisent ses auditeurs à s’étonner de ce qu’il ne se soit encore jamais mis au service d’un roi, ce à quoi ils l’exhortent, mais ce qu’Hythlodée refuse catégoriquement. En s’adressant à Hythlodée sur le sujet de son non-engagement politique, More-personnage fait surgir explicitement la référence au texte de la République  :

19 Prévost 1978, 53 : More cite Platon, République , V, 473 a-474 a. Votre cher Platon estime que les États n’ont de chance d’être heureux que si les philosophes sont rois ou si les rois se mettent à philosopher. Combien s’éloigne ce bonheur si les philosophes ne daignent même pas donner aux rois leur avis 19  ?

More-personnage fait ici référence au livre V de la République mais semble délibérément omettre le passage du livre VI où Socrate revient sur la place qui peut être faite à un philosophe dans un gouvernement inique, et l’inutilité pour lui de participer à un régime corrompu :

20 République , VI, 496 c-d. comme un homme tombé au milieu de bêtes féroces, se refusant de participer à leurs crimes et par ailleurs incapable de résister seul à ces êtres sauvages, il périrait avant d’avoir servi ses amis et sa patrie, inutile à lui-même et aux autres 20 .

Mais ce développement du dialogue platonicien se retrouve pourtant indirectement dans le texte de More, non plus cette fois dans la bouche de More-personnage, mais dans celle d’Hythlodée lorsqu’il se justifie de son refus d’entrer au service d’un roi : il fait alors référence à la fois à la République et à l’expérience malheureuse de Platon chez Denys le Tyran, pour conclure que Platon

21 Prévost 1978, 54. ne s’est assurément pas trompé lorsqu’il prévoyait que, si les rois ne se livraient pas eux-mêmes à la philosophie, comme ils sont imbus dès l’enfance de principes pervers et infectés par eux, ils n’approuveraient jamais pleinement les conseils de ceux qui s’adonnent à la philosophie 21 .

À l’appui de cette conviction, Hythlodée demande à ses interlocuteurs d’imaginer quelle serait la réaction d’un roi auquel il exposerait, en réaction à ses actions injustes, l’exemple de peuples très sages ayant choisi d’autres voies de gouvernement : sur ce mode prétéritif se déploient deux microrécits utopiques qui transcendent les références clairement identifiables à l’actualité politique et sociale dans le discours d’Hythlodée, et annoncent l’expansion de l’écriture utopique dans la deuxième partie.

  • 22 Prévost 1978, 46 : après une diatribe passionnée contre la peine de mort appliquée aux (...)
  • 23 Le narrateur précise que l’île des Achoriens se trouve « au sud-est de l’île des Utopiens (...)

24 Prévost 1978, 59-60.

12 Le débat sur le conseil des rois avait déjà été précédé d’un premier microrécit utopique introduisant le peuple des « Polylérites » 22 . En s’attaquant quelques pages plus loin à la volonté de puissance des rois et à leurs guerres de conquêtes, qui les empêchent de s’occuper de leur royaume, Hythlodée oppose à l’exemple condamnable du roi de France celui des « Achoriens » : seconde préfiguration d’Utopie 23 , ce peuple « sans territoire », selon l’étymologie de son nom, s’est paradoxalement retrouvé à la tête de deux territoires à un moment de son histoire, et l’administration du second, récemment conquis, a créé tant de difficulté que le peuple a fini par demander au roi de choisir entre les deux territoires et de n’en garder qu’un, qu’il pourrait administrer convenablement. Aux manipulations monétaires des rois et à leur soif de richesse, il oppose ensuite l’exemple des Macariens, ces bienheureux qui constituent une troisième préfiguration de l’île d’Utopie ; leur roi s’engage à ne pas amasser dans ses coffres plus de mille livres : il est en cela la personnification même de la sagesse, car « l’honneur du roi exige qu’il exerce le pouvoir non pas sur des mendiants, mais sur un peuple heureux et riche » 24 .

13 Le mode de surgissement de ces microrécits dans le dialogue éclaire le rapport entre utopie et dystopie, le récit utopique se produisant en réaction à une situation de dysfonctionnement dont l’exposé conduit à une aporie du discours : au moment même où Hythlodée s’étrangle de fureur dans sa dénonciation des dysfonctionnements tragiques de la société et de l’inconscience des rois, apparaît la description de peuples dont le fonctionnement même fournit une solution à l’aporie du discours dystopique. Placés à la fin d’un texte que More a rédigé peu avant la publication de l’œuvre, après avoir achevé entièrement la rédaction du livre II, ces microrécits éclairent également la démarche de Thomas More dans cet ajout a posteriori qui souligne le lien étroit dans le texte entre la dénonciation des dysfonctionnements d’une société et l’émergence de l’écriture utopique.

Le livre II de l’ Utopie  : de Platon et Aristote à Lucien

  • 25 La notion de réalisme peut sembler pour le moins paradoxale, appliquée à cette fiction (...)

14 Présenté comme le discours de Raphaël Hythlodée, le texte de la seconde partie de l’ Utopie se construit autour d’une tension fondamentale entre discours prescriptif et description « réaliste » 25 , entre un discours sur le caractère idéal de l’organisation politique et sociale en Utopie, et une description extrêmement précise, détaillée, concrète, de l’organisation matérielle et du fonctionnement de cette république.

  • 26 Ce même glissement de l’abstrait vers le concret, s’il n’existe qu’en filigrane du texte (...)

15 La République d’Utopie n’est pas figée dans un éternel présent : elle possède une histoire, longue de 1760 ans, elle a pu bénéficier du progrès apporté par les inventions des Romains quand, 1200 ans avant le séjour d’Hythlodée, une poignée de voyageurs romains égarés a débarqué sur ses côtes, et elle se présente généralement comme une société éminemment perfectible, extraordinairement ouverte et avide de recevoir de nouveaux enseignements. Pourtant, l’isolement géographique de l’île et ce qui apparaît comme l’immuable répétition des gestes de la vie bien réglée des Utopiens dans la description d’Hytlodée semblent contredire cette insertion d’Utopie dans le temps. Plus encore, il existe une tension constante, dans le texte du second livre, entre l’apparente description mimétique d’une île censée exister en amont du récit, et le caractère éminemment prescriptif qui se dégage néanmoins de cette description, qui représente en définitive une mise en fiction de principes abstraits 26 .

  • 27 Dubois 1968, 12, voit dans ces côtes inhospitalières « la signification d’un interdit, ce (...)

28 Prévost 1978, 457.

16 Cette ambivalence du texte au livre II se retrouve dans l’ambivalence de la forme de l’île telle qu’elle se présente d’abord au voyageur, par son port d’accès. En cela, le début du livre II rappelle aussi le Lucien des Histoires vraies et du genre des narrations fabuleuses auxquelles il se rattache, en particulier dans cette description initiale de l’île vue par le voyageur qui s’apprête à y débarquer. L’île a la forme d’un croissant de lune dont les extrémités se rapprochent et forment pour le voyageur venant de la haute mer d’abord un étroit « goulet », dangereux d’accès car parsemé de nombreux récifs cachés, mais qui une fois franchi donne accès à un port si parfaitement bien protégé des courants qu’il est comparé à « un grand lac ». L’accès à l’île se définit essentiellement comme difficile ; Utopie est une île fortifiée, une île sur la défensive, de par sa forme naturelle, mais aussi par les constructions qui la protègent. Une île où l’on guide les arrivants à travers les récifs par des signaux depuis l’île, mais où les habitants ont aussi la possibilité, en cas d’attaque, de déplacer ces signaux, envoyant ainsi à leur perte les navires ennemis 27 . Ce motif frappant du déplacement des signaux en vue de tromper l’ennemi apparaît aussi comme une métaphore à peine voilée du jeu de l’auteur vis-à-vis de son lecteur qu’il se plaît à surprendre et à rendre perplexe, en lui donnant en particulier des angoisses interprétatives face à une onomastique dont les références se dérobent et s’estompent à mesure qu’on les observe de plus près, à la manière de la capitale utopienne, Amaurote, ville qui s’obscurcit, ville qui s’estompe, ville mirage 28 , et du fleuve Anhydre qui la traverse.

  • 29 Prévost 1978, 450, n. 2, souligne qu’avec le nom du fondateur d’Utopie, More « reprend un (...)

17 L’impression dominante qui se dégage de la présentation géographique de l’île est celle d’une forteresse, d’un isolement et d’un retranchement recherchés. Il est également très significatif qu’un travail herculéen, partagé par tous, soit au commencement de l’histoire d’Utopia : le narrateur rapporte qu’« autrefois », l’île n’en était pas une, et que c’est Utopus 29 qui, immédiatement après sa victoire sur la horde grossière qui peuplait jusqu’alors ces terres, commença par faire creuser, aux indigènes comme à ses propres soldats, un fossé large de quinze milles destiné à séparer l’île du continent auquel le territoire était jusque-là rattaché. Les conditions naturelles de l’île d’Utopie n’ont rien d’extraordinaire, et le travail également partagé par tous constitue le fondement du bon fonctionnement d’Utopie.

  • 30 Ce détail rappelle Platon, République , 421 d-422 c : si la pauvreté empêche le potier de (...)

18 L’Utopie n’est pas l’Arcadie, d’abord parce qu’elle se compose avant tout d’un ensemble de villes, cinquante-quatre cités (autant que de comtés dans l’Angleterre contemporaine) bâties sur le même plan, éloignées suffisamment les unes des autres sans que la distance qui les sépare dépasse une journée de marche, certes entourées de campagnes, mais sans qu’il existe pour autant de séparation entre peuples des villes et peuples des campagnes : ce sont les peuples des villes qui vont habiter par roulement de deux ans dans les campagnes, dans les fermes pourvues de tous les outils agricoles nécessaires qui les y attendent 30 , et travaillent ainsi deux ans de suite, cependant que se renouvelle, année après année, la population des campagnes. Le but de ce roulement est clair : « que nul n’ait à subir trop longtemps et malgré soi un genre de vie plutôt pénible », même si les citoyens qui trouveraient au contraire un charme particulier à la vie agricole ont la possibilité de rester à la campagne plusieurs années de suite. La campagne utopienne n’est donc aucunement idéalisée, elle est représentée avant tout comme le lieu de travaux agricoles essentiels mais « plutôt pénibles », et dont le degré de pénibilité, entendu comme supérieur à celui de l’artisanat, nécessite la mise en place d’un roulement pour que soient respectées la justice et l’équité de la répartition du travail entre les citoyens. Pour reprendre les mots de C.-G. Dubois, Utopie est

31 Dubois 1968, 18. le rêve d’un citadin mécontent de sa cité, mais qui ne choisit pas pour paradis de ses rêves ce qui s’oppose à la ville – paradis artificiels ou campagnes arcadiennes – mais une autre cité autrement organisée 31 .
  • 32 Lacroix 2007, 262 : « La perfection de l’essence d’Utopie n’est pas de ne pas comporter d (...)

Les Utopiens ne sont en rien des hommes de l’âge d’or, ils sont des hommes comme les autres qui ont su s’organiser autrement, des hommes susceptibles de péché comme tous les hommes d’après la chute – en cela le christianisme de More s’affirme davantage que la tradition platonicienne 32 .

  • 33 Voir à ce propos R. Klein, « L’urbanisme politique de Filarete à Valentin Andreae », in L (...)

19 Le plan des villes utopiennes est largement fondé sur l’expérience concrète de Thomas More 33 , en tant que responsable des égouts et canalisations de la ville de Londres. Si les campagnes d’Utopie n’ont rien du locus amœnus arcadien, c’est à l’intérieur des villes que ce dernier se retrouve, dans les jardins clos de ces cités faites de maisons à façade sur la rue et pourvues d’un jardin clos à l’arrière, directement inspirées de ce que Thomas More avait pu admirer dans les villes de Flandres. Les superlatifs et modalisateurs d’intensité se multiplient soudain dans la description des talents de jardiniers de ces Utopiens : « ces jardins sont d’une telle beauté et sont l’objet de soins si attentifs que je n’ai jamais rien vu de plus luxuriant ni de meilleur goût ». Ces jardins sont d’ailleurs le seul lieu où s’exprime une créativité individuelle, chacun étant libre d’appliquer au domaine purement récréatif du jardinage le savoir-faire appris dans le travail agricole. Une fantaisie, une abondance de couleurs et de formes, un luxe presque, qui seul vient tempérer ce que peut avoir d’angoissant la parfaite similitude du plan des cinquante-quatre cités utopiennes, qui se ressemblent tellement qu’avoir visité l’une équivaut à connaître n’importe laquelle de ses cinquante-trois semblables. L’équité est à ce prix : rien ne doit distinguer un Utopien d’un autre, tous étant destinés à recevoir la même part ; mais l’irréelle perfection de la reproduction à l’identique se double d’un sentiment étrange de déshumanisation qui rappelle le caractère cauchemardesque des sociétés dystopiques imaginées, quatre siècles après More, par Wells ou par Orwell.

34 Logan et al. 1995, xix.

  • 35 Les commentateurs s’accordent à dire qu’il n’a pas pu avoir accès directement a (...)

36 Voir Duhamel 1977, 239-243.

20 Le commentaire détaillé de la situation géographique de l’île et du plan de ses villes ouvre la voie à la description de l’organisation politique et sociale d’Utopie. Comme le souligne G. M. Logan, si l’ordre choisi pour l’exposé des différents aspects de cette organisation doit beaucoup à la rhétorique, la structure même de la communauté décrite par Hythlodée relève quant à elle de la théorie politique 34 . La Politique d’Aristote semble avoir été présente à la mémoire de More 35 lors de la rédaction de la description d’Utopie, l’ordre des différents aspects considérés dans son ensemble rappelant en effet précisément celui que suit Aristote au livre VII lorsqu’il passe en revue les différents points qui doivent être considérés dans la description de la meilleure communauté politique possible 36  : d’abord les questions relatives au territoire, à l’emplacement de la ville, et à la communication avec la mer, puis la question de la participation de certains individus à la vie de la cité, et de leurs différentes fonctions, qui mène à la considération de la vie sociale et en particulier des repas pris en commun ; enfin, la constitution en elle-même, les lois, ainsi que la guerre et les modalités de l’entraînement militaire.

37 Politique , VII, 1-3.

38 Prévost 1978, 102-115.

  • 39 Prévost 1978, 112. Le passage rappelle Aristote, Politique , VII, 1, 7, à propos des (...)

21 Mais c’est aussi le début de ce livre VII qui éclaire un aspect essentiel de la structure du livre II de l’ Utopie  : Aristote y recommande de commencer, avant d’envisager la meilleure constitution possible, par définir d’abord ce qui constitue le genre de vie le plus désirable 37 . L’ Utopie n’est pas un traité politique, mais une fiction en forme de discours, et si More subordonne en effet, selon le conseil d’Aristote, toute description des institutions et des activités des Utopiens à la philosophie morale et à la conception du bonheur de ces derniers, ce n’est pas à l’orée du texte, mais en son centre, qu’il a choisi de placer l’exposé détaillé des principes moraux et des conditions du bonheur utopien 38 . Au fondement de la doctrine morale des Utopiens se trouve la conviction, que l’on trouve à la fois chez Platon et chez Aristote, que l’accumulation de richesses n’est pas ce qui fait la grandeur d’un État ou le bonheur d’un individu, la fin d’une communauté politique étant d’assurer le bonheur de ses membres par l’exercice de la vertu. Les Utopiens s’attachent donc « par-dessus tout aux plaisirs de l’esprit, qu’ils mettent à la première place et regardent comme essentiels » 39 .

40 Prévost 1978, 83-84.

22 L’économie des Utopiens est entièrement organisée selon ce principe du « rien de trop », et de la supériorité du plaisir pris aux occupations de l’esprit : on demande la participation de tous aux travaux agricoles 40 , afin que le temps de travail de chacun soit réduit au strict nécessaire. Au fondement du fonctionnement économique d’Utopie, le travail partagé n’est en effet pas considéré comme une fin en soi : il s’agit de veiller à ce que les heures de travail ne soient pas inutilement alourdies par la production d’objets superflus (le luxe n’a pas droit de cité en Utopie), afin de dégager pour tous des heures qu’ils pourront consacrer à la liberté et à la culture de l’esprit, garant ultime du bonheur des Utopiens (même si le travail en reste la condition sine qua non ) : ainsi, les institutions de cette République

41 Ibid. , 86. n’ont essentiellement qu’un seul but : […] gagner le plus d’heures possible sur le temps qu’absorbent les servitudes du corps afin de permettre à tous les citoyens de les consacrer à la liberté de l’âme et à la culture de l’esprit. C’est en ceci, en effet, que réside selon eux le bonheur de l’existence 41 .

42 Politique , VIII, 3, 3 (trad. Aubonnet 1989).

Il y a là un rappel frappant d’Aristote qui souligne au livre VIII de la Politique que « notre nature elle-même… cherche non seulement à exercer correctement ses activités, mais aussi à pouvoir jouir noblement du loisir : c’est là le principe de tout ». Travail et loisir « tous deux sont nécessaires », mais le loisir est préférable au travail, « car il est son but » 42 . Seule une élite de moins de cinq cents personnes, pour la plupart intellectuel(le)s de haut vol, est dispensée de travaux manuels mais, précise le narrateur, le principe du labeur commun est ancré si profondément chez les Utopiens que la plupart des dispensés demandent d’eux-mêmes à participer aux travaux.

43 Prévost 1978, 96 sq .

  • 44 L’épisode des ambassadeurs anémoliens (Prévost 1978, 98-99) permet à More d’exp (...)

23 Les produits de ce labeur commun sont distribués gratuitement aux Utopiens, et l’or est méprisé comme symbole de l’absurdité de son accumulation chez des peuples qui le considèrent comme hautement désirable 43 . L’or, source de tous les vices et de tous les crimes, est aussi source d’inspiration pour la verve comique de More : il est utilisé en Utopie pour couler des objets humbles et quotidiens comme les pots de chambre, et il est même associé à la marque de l’infamie puisqu’il sert en particulier à fondre les chaînes de ceux qui se sont vus condamner par les magistrats utopiens 44 . Hythlodée déplore que l’or « par nature si inutile, ait acquis aujourd’hui, dans toutes les nations du monde, une telle cote que l’homme lui-même, par qui et pour qui cette valeur a été créée, ait beaucoup moins de prix que lui », et se félicite, dans la diatribe finale qui conclut le livre II, de ce qu’une véritable « moisson de crimes » ait été « détruite » en Utopie par la suppression de la valeur accordée à l’or.

24 Les propos d’Hythlodée rappellent ici ceux de Socrate dans la République  :

45 République , III, 416 a-417 b. Pour l’or et l’argent, on leur dira qu’ils ont toujours dans leur âme les métaux qu’ils ont reçus des dieux, qu’ils n’ont pas besoin de ceux des hommes, et qu’il est impie de souiller la possession de l’or divin en la joignant à celle de l’or mortel, parce que beaucoup de crimes ont été commis pour le métal monnayé du vulgaire, tandis que le leur est pur 45 .

Pour More comme pour Platon, l’or mène au crime, et sa valorisation en elle-même est un crime à l’encontre de la valeur incomparable de l’âme humaine.

46 République , III, 416 a-417 b.

25 L’ Utopie reflète également très nettement le communisme platonicien tel qu’il se trouve exposé au livre III de la République 46 à propos des gardiens de la cité platonicienne ; la description des maisons utopiennes illustre ce que préconise Socrate pour le logement des gardiens, en y ajoutant l’idée du roulement par tirage au sort :

47 Prévost 1978, 76. toutes les portes, qui sont à deux battants, cèdent à une légère poussée de la main et se referment automatiquement. Entre donc qui veut. Ainsi, nulle part on ne trouve la moindre trace de propriété privée. Quant aux maisons elles-mêmes, on en change tous les dix ans après tirage au sort 47 .

Mais More va plus loin que Platon dans sa description d’Utopie, puisque la communauté des biens n’y est pas réservée à une élite, mais s’applique à la société tout entière.

48 Prévost 1978, 65-67.

26 Pourtant, on ne saurait définir avec certitude la valeur prescriptive aux yeux de More de cette généralisation du communisme à la société tout entière : si Hythlodée, à la fin du livre I, s’était passionnément exprimé en faveur de l’abolition de la propriété privée et de l’argent, le personnage Thomas More s’était au contraire élevé contre un tel communisme, selon lui source de pénurie et ferment de sédition 48 .

49 Prévost 1978, 91-92.

50 République , V, 458-459.

51 République , V, 461 a.

27 L’organisation de la vie sociale en Utopie semble quant à elle répondre exactement à l’injonction de Platon au même livre III : « Ils prendront leurs repas ensemble et vivront en commun », les repas en commun étant aussi pour Thomas More l’occasion d’un plaisir visible pris à la description pittoresque de l’organisation pratique de ces immenses tablées mêlant toutes les générations 49 . En revanche, la communauté des femmes et des enfants telle qu’elle est décrite dans la République 50 ne se retrouve pas dans l’ Utopie  : les Utopiens sont monogames, et les cités utopiennes se subdivisent en familles formées en général de ceux qui sont unis par une parenté naturelle, chaque famille comptant entre dix et seize adultes, et chaque cité six mille familles. De même, en ce qui concerne l’allaitement et les soins à donner aux enfants, Utopie diffère notablement de la cité platonicienne : il est dit en effet dans la République que les enfants seront allaités par les mères indistinctement (on mettra en œuvre « tous les moyens possibles pour qu’aucune d’elle ne reconnaisse sa progéniture » 51 ), tandis que chez les Utopiens, « chaque mère allaite son enfant », sauf si la mort ou la maladie l’en empêche – d’autres nourrices seront trouvées dans ce cas.

  • 52 En Utopie, chaque groupe de trente familles élit tous les ans un magistrat, et les magist (...)

28 La divergence essentielle entre More et Platon tient aux modèles d’organisation politique différents qu’ils ont respectivement adoptés pour leur cité idéale : la République platonicienne s’appuie sur une aristocratie, tandis que l’idéal politique au cœur d’Utopie est celui d’une démocratie représentative 52 . La communauté des femmes et des enfants dans la République apparaît d’ailleurs directement liée à l’élitisme de la cité idéale platonicienne et à l’eugénisme qui prévaut dans la recherche d’une race toujours meilleure, que seule l’incitation à des unions fréquentes à l’intérieur de l’élite peut garantir. Les deux textes se rejoignent pourtant sur le sujet de la régulation de la population. La population des villes utopiennes est régulée selon un principe qui rappelle celui des vases communicants : un chiffre, prévu par la loi, nous dit-on, mais non communiqué par le texte, fixe les limites supérieures et inférieures du nombre d’habitants par cité : tout surplus est reversé immédiatement aux cités qui ne sont pas encore surnuméraires, ou sont déjà menacées de dépopulation. Le motif est à mettre en rapport avec le passage du livre V de la République où Socrate rappelle que la taille de la cité ne doit en rien compromettre son unité :

53 République , V, 422 c-423 c. Jusqu’au point où, agrandie, elle conserve son unité, la cité peut prendre de l’extension, mais non pas au-delà. – Fort bien. – Donc nous prescrirons aussi aux gardiens de veiller avec le plus grand soin à ce que la cité ne soit ni petite ni grande en apparence, mais à ce qu’elle soit de proportions suffisantes, tout en gardant son unité 53 .

54 Prévost 1978, 87.

Mais là où Platon ne fait qu’énoncer un principe pour sa cité idéale, More, dans la description de sa cité de chair, confronte le principe de ce système de régulation à la réalité du vivant : reconnaissant que le nombre de naissances par famille est quelque chose qui ne saurait être déterminé à l’avance et que le système d’équilibrage doit aussi prendre en considération la possibilité d’un accroissement global de la population de l’île, les législateurs utopiens ont prévu dans ce cas l’établissement de colonies utopiennes 54 . On retrouve là un des exemples les plus frappants de ce procédé propre au texte du livre II dans son entier, celui d’un glissement sans transition de l’hypothèse envisagée de façon abstraite et prescriptive, à la narration au présent d’habitude de ce qui se passe une fois l’hypothèse devenue réalité : à la différence de Platon, qui prescrit de veiller à la conservation de l’unité de la cité, mais n’envisage pas les actions à mener au cas où cette unité éclaterait, le texte de Thomas More déroule jusqu’au bout toutes les hypothèses possibles et ne se contente pas de décrire leurs conséquences possibles, mais les narre comme s’étant déjà effectivement produites.

55 Prévost 1978, 131.

56 République , V, 469 b-470 b.

57 Lacroix 2007, 253.

  • 58 Hexter & Surtz 1964, p. cixii, fait l’inventaire des similarités qui existent entre la ma (...)

29 Le motif des colonies conduit également à un développement paradoxal sur le thème de la guerre dans l’ Utopie . L’Utopie en tant que lieu de la justice et de l’équité condamne la guerre, et les Utopiens font tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter de la faire. S’ils y sont forcés, en cas d’agression ou pour venir au secours d’un peuple ami, ils font la guerre avec humanité : victorieux, ils ne se livrent jamais au massacre et se refusent à piller ou à détruire les récoltes 55 . Le texte de More rejoint ici la République sur la conduite que doivent adopter les vainqueurs 56 . Mais la nécessité de réguler la taille des cinquante-quatre cités par l’établissement de colonies conduit à des développements plus inattendus : les Utopiens proposent d’abord aux autochtones de vivre en harmonie avec eux selon les lois utopiennes qu’ils transportent naturellement avec eux sur le continent, mais si les autochtones refusent d’adopter la loi utopienne, une guerre contre ces récalcitrants sera engagée, le régime utopien ne pouvant accepter le moindre compromis qui mènerait immanquablement à la corruption de ses lois. Cette colonisation par la force contredit-elle l’idéal humaniste par ailleurs affiché par les Utopiens, celui du refus des guerres de conquêtes ? Ou faut-il plutôt voir ici l’illustration du fait que, pour reprendre les mots de J.-Y. Lacroix, « l’humanisme utopique est concret » 57  ? Ce qui justifierait la guerre dans le cas de figure évoqué, c’est qu’il serait impossible de laisser les autochtones négliger la terre qu’ils entendent conserver pour eux seuls : vouloir garder pour soi, sans la cultiver, une terre dont on n’a nul besoin est une injustice flagrante qui justifie de déclencher une guerre visant à rétablir la justice et l’équité 58 .

59 Lacroix 2007, 158.

60 République , VIII, 546 a : « Tout ce qui est né est sujet à se corrompre ».

30 La description d’Utopie au livre II s’élabore à travers un mouvement de va-et-vient continu entre le texte de la République et la réflexion personnelle de More, nourrie des lectures des Anciens et de ses contemporains. Mais s’il est vrai qu’elle ne peut être lue en dehors de ce parallèle fondamental avec le texte de Platon, la description d’Utopie se distingue pourtant de la cité idéale platonicienne par son essence même, en ce qu’elle prend forme à travers une description qui présuppose son existence et la donne à voir sur le mode de la mimésis ; pour reprendre les termes de J.-Y. Lacroix 59 , elle apparaît ainsi comme « existence sensible de l’essence de la cité parfaite » telle que Platon l’envisage, la description sensible d’Utopie par Raphaël étant ce qui la donne à connaître. Si la cité de Platon venait à exister, elle finirait par se corrompre 60 , mais

61 Lacroix 2007, 162. tel ne peut pas être le cas pour Utopie, pensée pour essentiellement durer, puisqu’encore une fois son essence ne peut être altérée par une existence qu’elle est déjà par elle-même 61 .
  • 62 Poème présent dans les quatre premières éditions : HEXASTICHON ANEMOLII POETAE (...)

63 Prévost 1978, 350.

  • 64 Voir Saïd 1994, 150 : « Lucien inverse le rapport du réel et de la littérature : si l’eth (...)

65 Histoires vraies , I, 4 (trad. Bompaire 1998).

  • 66 Cf. « Luciani compluria opuscula ab Erasmo et Thoma Moro interpretibus optimis in Latinor (...)

L’« existence » de l’île, paradoxalement affirmée dans la fiction, est mise en scène également dans les nombreux paratextes de l’œuvre, de la carte de l’île placée au début de l’ouvrage et accompagnée d’un document présentant l’« alphabet des Utopiens », au sizain du poète lauréat utopien Anémolius : ce dernier souligne la supériorité d’ Utopie sur la République qui n’a fait que « dessiner en lettres » ce qu’Utopie « montre » véritablement 62 . Thomas More lui-même, dans la lettre à Pierre Gilles placée en exergue de l’ Utopie , s’attache à prolonger le jeu sur la « vérité » de la fiction, évoquant la mise en scène du Prologue comme un véritable souvenir commun, et faisant référence à Hythlodée comme à un personnage tout à fait authentique. Le jeu sur la fiction « vraie » atteint un degré de complexité particulier dans cette lettre où More, prétextant qu’un théologien désireux de se rendre en Utopie s’est adressé à lui pour obtenir de plus amples informations d’ordre géographique, avoue son « embarras » à devoir reconnaître qu’il ne sait pas où se trouve Utopie… « Il ne nous vint pas à l’esprit de demander, et Raphaël n’a pas songé à nous dire, dans quelle partie de ce nouveau monde se trouve située l’Utopie », écrit-il, demandant à Pierre Gilles de bien vouloir poser la question à l’intéressé pour réparer cet « oubli », afin, dit-il, que dans on ouvrage « ne subsiste rien de faux, ni ne manque rien de vrai » 63 . Dans ce jeu sur la vérité de la fiction, c’est le Lucien des Histoires vraies qui s’inscrit en filigrane du texte de More, dans un jeu de mise en abyme du prologue des Histoires où Lucien annonce que les aventures qui vont suivre sont un tissu de mensonges 64 , et qu’il ne dira la vérité que sur un seul point : en disant qu’il ment. More semble ici jouer à prendre le contre-pied des propos de Lucien, qui évoque ces auteurs habitués à mentir de par leur profession de philosophes, mais qui l’étonnent « sur un point : c’est qu’ils avaient cru pouvoir écrire ce qui n’est pas vrai sans qu’on s’en aperçût » 65 . La mise en scène volontairement et comiquement exagérée de l’histoire « vraie » dans les paratextes de l’ Utopie semble ainsi ne pouvoir être lue en dehors d’un dialogue de Thomas More avec Lucien et une œuvre qui lui était familière depuis qu’il s’était, avec Érasme, attelé à la traduction du grec en latin des Épigrammes et des Dialogues 66 .

  • 67 Voir Bompaire 1958, 699  sq ., pour une analyse exhaustive de l’invention des nom (...)

31 D’un point de vue stylistique, l’influence de Lucien est palpable dans tous les passages où pointent l’ironie ou le burlesque sous l’apparent sérieux de la description, et en particulier dans le jeu sur les créations de noms de peuples et de lieux qui parsèment l’ Utopie , et rappellent les créations onomastiques de Lucien 67 . Dès la parution de l’ Utopie , les lecteurs et exégètes de l’œuvre se sont évertués à traduire et à interpréter ces noms composites, formés pour la majorité d’entre eux sur des racines grecques, mais des racines parfois tronquées ou associées à d’autres plus obscures, au point que bien souvent l’interprétation finit par se heurter à une aporie insurmontable.

  • 68 Dubois 1968, 15, avance une explication intéressante des « a » privatifs dans l’ Utopie , m (...)
  • 69 Ce terme rappelle le mélange des dèmes et des tribus chez Lucien que Bompaire 1958, 157, (...)

32 Les créations onomastiques de Thomas More peuvent être divisées en deux groupes : les noms qui fonctionnent sur le mode du paradoxe et de l’impossibilité absurde, en particulier ceux qui commencent par un a- privatif 68 , et ceux qui semblent au contraire vouloir capturer une qualité morale. Pour ce qui est du premier groupe, dans le premier livre déjà, les Polylérites, donnés en exemple comme peuple très sage, évoquaient par leur nom un bavardage abondant, de même que le sage théoricien Hythlodée, que son nom désigne comme vain discoureur ; les Achoriens quant à eux annoncent les Utopiens par leur ancrage géographique dans le nul-lieu. Au début du livre II, le fleuve Anhydre a beau prendre sa source en amont d’Amaurote pour se diversifier en courants qui se rejoignent près de la mer en un large fleuve, il n’en reste pas moins le fleuve sans eau, vidé de sa substance même par son nom ; les gouverneurs d’Utopie sont appelés « Adèmes », les « sans-peuple » 69 .

  • 70 Prévost commente ainsi l’étymologie de « Buthresques » : « Du grec Bou-, énorme, ayant (...)

33 Dans le second groupe, on trouve les Macariens, ces bienheureux dont le roi s’engage à ne jamais amasser plus de mille livres en or, mais aussi les noms attribués aux différentes fonctions dans la hiérarchie de la cité ou aux castes religieuses, parfois compliqués de variantes latinisées ou censées appartenir à un état plus récent de la langue utopienne : ainsi les « Phylarques » élus par les groupes familiaux s’appelaient autrefois « Syphograntes », les « Buthresques », ces religieux par excellence 70 , sont aussi appelés religiosi . Mais cette séparation, qui ne permet pas de rendre compte de l’ensemble des créations onomastiques de More, échoue également à mettre en lumière une logique d’ensemble ou un principe unifiant derrière ces créations verbales.

71 Romm 1991.

34 J. Romm 71 s’est posé la question de la stratégie onomastique de More dans l’ Utopie , à travers l’étude de ce que celle-ci doit en particulier à Lucien. À la recherche d’un système cohérent de production de ces noms propres, il avoue sa perplexité face à l’absence de distinction étymologique entre Utopiens et non-Utopiens, le poète utopien Anémolius, lui, partageant son nom avec le peuple non utopien des « Anémoliens ». Les « Néphélogètes », en faveur de qui les Utopiens ont autrefois mené la guerre, constituent pour J. Romm un autre type de difficulté interprétative : il rappelle que le linguiste Vossius au XVII e  siècle avait déjà noté la difficulté présentée par le suffixe « gètes » qui ne correspond à aucune racine grecque, et s’il est capable lui-même de rapprocher ce nom des Nephelokentauroi de Lucien, ou bien de Nephelokokkygia chez Aristophane, ou même encore de l’épithète homérique appliquée à Zeus, néphelégereta , il se heurte toujours à une difficulté d’interprétation irréductible.

  • 72 Prévost 1978, 353 : « Les demi-savants dédaignent comme vulgaire tout ce qui ne fourmille (...)

35 Faut-il s’acharner à essayer de traduire les noms de l’ Utopie  ? Ou faut-il, comme J. Romm le pense, accepter comme structurelle et essentielle l’ambiguïté de l’onomastique utopienne, à l’image d’un texte qui décontenance parfois le lecteur et le conduit à se poser la question du sérieux ou de l’ironie du discours, sur un mode très lucianesque ? Et rire avec More du piège qu’il avoue à demi-mot, dans sa lettre à Pierre Gilles, avoir délibérément tendu à ses lecteurs érudits, amateurs de philologie, et peut-être aussi trop facilement impressionnés par ce qui porte le cachet de l’ancien 72 .

Lucien, More et Rabelais

36 C’est également Lucien qui fournit une clef essentielle de la lecture de l’ Utopie par Rabelais et des formes prises par cette intertextualité particulière dans l’œuvre narrative rabelaisienne. Au-delà de points de rencontres explicites, thématiques ou narratifs, que nous allons mentionner, au-delà de la parenté humaniste qui lie deux auteurs, tous deux admirateurs d’Érasme, le texte de Thomas More et le texte rabelaisien semblent liés, plus profondément encore, par la dette qu’ils ont l’un comme l’autre envers Lucien de Samosate, et qui se manifeste en particulier, dans leurs œuvres respectives, par la place laissée à l’ironie et à la satire, au non-sens bouffon même, mais aussi à une réflexion sur la production du sens par le texte, entre « plus hault sens » à extraire d’une lecture interprétative complexe et joyeuses facéties de bouffons ou de bienyvres.

37 Le chapitre II du Pantagruel , publié en 1532, comporte la première attestation du mot utopie en français : la ville d’Amaurote donne son nom à un peuple en Utopie dans le récit de l’origine du géant éponyme :

73 Rabelais (Huchon 1994), 222. Gargantua en son eage de quatre cent quatre vingt quarante et quatre ans engendra son filz Pantagruel de sa femme nommée Badebec, fille du Roy des Amaurotes en Utopie 73 .

Au chapitre VIII, Gargantua signe sa fameuse lettre à son fils Pantagruel, dans laquelle il pose les principes de l’éducation éclairée et moderne qu’il désire pour lui, de la ville d’Utopie – clin d’œil textuel qui a conduit les commentateurs à se demander dans quelle mesure le lieu « utopique » de la signature de la lettre devait conduire le lecteur à mettre en doute le sérieux de son contenu.

74 Rabelais (Huchon 1994), 298.

38 C’est en tout cas de façon toujours ludique que l’ Utopie est intégrée au cours narratif de l’œuvre rabelaisienne. Après la mention d’Utopie dans la signature de la lettre de Gargantua, nous la retrouvons citée dans le dernier tiers du Pantagruel au chapitre XXIII 74  : on y apprend que, profitant de l’absence du roi Gargantua, les Dipsodes, peuple des assoiffés, ont envahi une grande partie d’Utopie et assiègent le « pays des Amaurotes », avec ce même glissement que l’on retrouve ici du nom de la ville chez More à un nom de peuple. Pantagruel et ses compagnons triomphent des Dipsodes à la fin de ce premier volume rabelaisien, épisode qui clôt le livre. On sait que le volume publié ensuite est le Gargantua , Rabelais remontant le temps narratif pour faire précéder la geste du fils par celle du père. Ce n’est que onze ans après la publication du Pantagruel , en 1546, que paraîtra le Tiers Livre , donné par Rabelais comme « suite » au Pantagruel  : le Tiers Livre s’ouvre en effet sur la période qui suit immédiatement la victoire de Pantagruel sur les Dipsodes, et sur sa décision de transporter en Dipsodie une colonie d’Utopiens, afin de s’assurer la docilité et la bonne volonté du peuple nouvellement conquis. C’est la dernière fois qu’Utopie est mentionnée explicitement dans le texte rabelaisien : la navigation d’île en île de Pantagruel et de ses compagnons dans le Quart Livre , sur le modèle des narrations fabuleuses de Lucien, présente en fait encore d’importants recoupements possibles avec le texte de l’ Utopie .

75 Leslie 1998, 3.

39 M. Leslie, dans une étude sur les rapports entre l’écriture utopique à la Renaissance et le problème de l’histoire, a mis en lumière le fait que la référence à l’ Utopie dans la fiction rabelaisienne a pour effet de la vider de son contenu proprement utopique 75 . Gargantua puis Pantagruel sont présentés comme les nouveaux rois d’Utopie, sans qu’aucune explication ne soit donnée sur l’histoire de la succession du roi fondateur Utopus : en tant qu’éminents souverains philosophes et humanistes, les géants rabelaisiens s’approprient spontanément cette Utopie lointaine, non plus fiction utopique, mais véritable lieu littéraire, dans lequel Rabelais ancre son texte, en en faisant le berceau familial de sa dynastie humaniste.

40 Certains motifs narratifs ont également retenu particulièrement l’attention de Rabelais, comme celui des colonies utopiennes. Il reprend en effet le motif de façon très détaillée au début du Tiers Livre , dans ce qui constitue l’exemple le plus développé et le plus explicite de l’intertextualité qui unit le texte rabelaisien à celui de More. Ayant « entierement conquesté le pays de Dipsodie », Pantagruel

76 Rabelais, Tiers Livre , chapitre I, incipit . en icelluy transporta une colonie de Utopiens en nombre de.9876543210. homes, sans les femmes et petitz enfans : artizans de tous mestiers, et professeurs de toutes sciences liberales : pour ledict pays refraichir, peupler et orner, mal autrement habité et desert en grande partie 76 .
  • 77 Rabelais a probablement à l’esprit, au moment où il écrit, l’exemple de son protecteur et (...)

Rabelais reprend ici le motif des terres en friche qui dans l’exposé de Raphaël Hythlodée sont considérées comme un motif suffisant pour justifier leur annexion par les colons utopiens. En revanche, il n’est pas question chez Rabelais de l’épanchement d’un trop-plein de population utopienne, ni de possible résistance des colonisés pouvant mener à la guerre : c’est parce qu’il souhaite maintenir son autorité, qu’il exerce avec la plus grande bonté, sur ce pays nouvellement conquis que Pantagruel installe en Dipsodie une colonie d’Utopiens. La suite du chapitre est d’ailleurs une longue mise en garde, assortie de nombreuses références aux textes antiques, contre l’usage de la violence et de la force en de telles circonstances : rien ne vaut la douceur et la générosité d’un chef pour gagner à sa cause la population du nouveau territoire 77 .

41 Le narrateur rabelaisien souligne l’efficacité de l’approche non violente de Pantagruel en montrant avec quelle rapidité les Dipsodes se montrent acquis à leur nouveau roi, enthousiasme qui pourrait paraître surprenant mais qui s’explique

78 Rabelais (Huchon 1994), 354. par ne sçay quelle ferveur naturelle en tous humains au commencement de toutes œuvres qui leur viennent à gré. Seulement se plaignaient… de ce que plus toust n’estoit à leur notice venue la renommée du bon Pantagruel 78 .

79 Prévost 1978, 142.

La référence à un autre passage du livre II de l’ Utopie se fait jour ici, qui montre bien à quel point le texte de More était encore présent à l’esprit de Rabelais pendant la rédaction du Tiers Livre  : le passage semble en effet faire directement référence à la description par Hythlodée de la réaction des Utopiens lorsqu’ils découvrent pour la première fois le Christianisme à travers les récits du groupe de voyageurs dont Hythlodée fait partie : nombre d’Utopiens sont immédiatement conquis par cette doctrine dont leur religion naturelle s’avère être somme toute très proche, bien qu’ils n’aient jamais entendu parler du Christ : ils ne peuvent que regretter de ne pas l’avoir connu plus tôt 79 .

  • 80 Pour une analyse détaillée de l’intertexte lucianesque de Rabelais, voir Lauvergnat-Gagni (...)

81 Rabelais (Huchon 1994), 540-542.

  • 82 J. Bompaire (Bompaire 1958, 708) a analysé l’importance du motif de l’ ecphrasis d’œuvre d (...)

42 Les références explicites à l’île d’Utopie prennent fin avec l’épisode des colonies utopiennes en Dipsodie. Mais More et Lucien n’en restent pas moins présents en filigrane dans les navigations de Pantagruel et de ses compagnons, en quête de l’oracle de la « dive bouteille » dans le Quart Livre  : le genre de la navigation fabuleuse auquel le livre se rattache renvoie non seulement aux Histoires vraies de Lucien, dont s’inspirent plusieurs épisodes du Quart Livre 80 , mais aussi à l’écriture utopique : la référence à l’ Utopie reste présente implicitement à l’arrière-plan de chaque débarquement dans des îles qui sont pour les compagnons autant de mondes nouveaux. À cet égard, l’épisode de l’île de Medamothi 81 , cette île de Nulle-Part qui constitue la première escale des compagnons, peut apparaître tout à fait symbolique de cet intertexte implicite, renforcé par un faisceau de détails intrigants : Pantagruel et ses compagnons ne s’aventurent pas plus avant que le port de Medamothi, où se tient une foire des plus animées qui va les conduire à l’achat de tableaux assez mystérieux. Parmi ces derniers, deux en particulier retiennent l’attention : une peinture, achetée par Frère Jean, représente le visage d’un plaideur – faut-il y voir une allusion cryptée au magistrat de Londres, ou bien à la péroraison de son personnage Hythlodée ? Épistemon, quant à lui, fait l’acquisition d’un tableau « on quel estoient au vif peinctes les idées de Platon », intéressant paradoxe qui n’est pas sans rappeler le réalisme de la peinture de l’irréalité dans le texte de More 82 . Le fait que Frère Jean règle ses achats « en monnaie de singe » peut également se lire comme une confirmation de la présence en filigrane du chapitre de cette île d’Utopie où toute monnaie d’échange a été proscrite.

83 Rabelais (Huchon 1994), 550-556.

84 Prévost 1978, 38.

43 L’épisode de l’escale à Medamothi est suivi de près par celui, bien connu, du mouton que Panurge achète au marchand Dindenault 83 . Le navire de Pantagruel croise au début du chapitre VI un navire de retour du pays des Lanternes (directement tiré des Histoires vraies de Lucien). À son bord se trouve Dindenault, prospère marchand de moutons, avec qui Panurge entame presque immédiatement une querelle, Dindenault refusant de lui vendre un de ses moutons. Le personnage du marchand est particulièrement odieux : il fait l’article de ses moutons mirifiques à Panurge, en soulignant qu’ils sont destinés à des clients royaux, et en se moquant de façon humiliante de la prétention de Panurge à lui en acheter un. Le thème du commerce des moutons, couplé au caractère particulièrement arrogant du marchand, rappelle la diatribe d’Hythlodée au livre I dans laquelle ce dernier dénonce l’« oligopole » des éleveurs de moutons anglais qui se sont enrichis par le procédé inique des enclosures , ces barrières élevées autour de champs jusque-là accessibles à tous, et en particulier aux plus miséreux 84 . Ils ont ainsi enlevé aux pauvres les ressources qu’ils pouvaient encore trouver comme ouvriers agricoles ou par un modeste élevage ou artisanat familial.

44 « Chassez ces mortels fléaux !… Mettez un frein aux achats massifs des riches et restreignez la liberté de tout ce qui ressemble à un monopole » s’exclame Hythlodée en conclusion du sombre tableau qu’il vient de dresser des conséquences désastreuses d’un commerce sauvage. Le geste de Panurge, qui jette à la mer le mouton qu’il vient à grand-peine d’acheter au marchand, provoquant aussitôt sa ruine par la perte de tout le troupeau, prend une dimension nouvelle dans ce parallèle, comme si le geste de Panurge pouvait se lire comme la matérialisation narrative, dans le texte rabelaisien, de la colère d’Hythlodée.

  • 85 Voir Trédé 1994, pour une analyse du jeu des citations et de la parodie dans l’ (...)

86 Rabelais (Huchon 1994), 137-150.

  • 87 Dubois 1968, 5 : « L’Arcadie fait une loi sociale du désir individuel, en supposant (...)

45 Les références à l’ Utopie dans le texte rabelaisien se font donc essentiellement sur le mode éminemment lucianesque de l’allusion, de l’imitation 85 et de la réécriture. L’humanisme de l’écriture utopique de More est ce qui retient avant tout l’attention de Rabelais, beaucoup plus que son utopisme. Si l’ombre de l’ Utopie se dessine à l’arrière-plan des navigations fabuleuses du Quart Livre , à travers le motif de la découverte de mondes nouveaux, d’autant plus intéressants qu’ils sont isolés du reste du monde et se sont développés en vase clos, la description de la majorité de ces îles tient davantage de la dystopie que de l’utopie. Le seul épisode du texte rabelaisien qui se rapproche à proprement parler d’un essai d’écriture utopique est celui de la fondation de l’abbaye de Thélème à la fin de Gargantua 86  : pour remercier Frère Jean de son rôle décisif dans la défaite de Picrochole, Gargantua lui offre « tout son pays de Thélème près de la rivière Loyre et à deux lieues de la grande forêt du Port Huault », afin qu’il puisse fonder une abbaye « a son devis », où sera instituée une religion « au contraire de toutes les autres ». Le terrain est décrit, commode, baigné par les eaux d’un fleuve, non loin d’une forêt : toutes les conditions sont réunies pour que s’ébauche la description de cette communauté utopique. Mais toute ressemblance avec Utopie s’arrête là : en prenant le contre-pied de ce qui fait l’essence de toute communauté monastique, l’abbaye de Thélème fait resurgir le luxe et le raffinement qui avaient été bannis des cités utopienne et platonicienne, aussi bien dans le détail des riches atours des Thélémites que dans l’aménagement intérieur de leur abbaye-palais. La seule devise qui règle la vie des Thélémites est « fay ce que vouldras » : le temps lui-même n’est plus compté, ni horloges ni cloches ne viennent ponctuer la vie de la communauté, qui navigue au gré du désir de chacun s’accordant naturellement à celui de tous, par la grâce de la bonté naturelle et du bon sens des Thélémites. De ce point de vue, et malgré le raffinement de l’architecture et des jardins de l’abbaye, Thélème est, pour reprendre le mot de C.-G. Dubois, « plus arcadienne qu’utopienne » 87 .

  • 88 A. Prévost a analysé l’importance, dans ce qu’il appelle « l’élaboration subconsciente du (...)

46 Reflet inversé de la vie religieuse, l’épisode de Thélème fait aussi ressortir avec une acuité particulière ce que l’organisation de la vie en Utopie doit à l’exemple des communautés monastiques 88 . Les dialogues philosophiques et les traités de philosophie politique des Anciens ont donné forme et matière à la réflexion de More sur la meilleure forme de communauté politique ; mais les détails concrets de l’existence bien réglée des Utopiens, de leur travail commun, de la simplicité de leur mise comme de leur mépris des richesses sont puisés directement à la source de ces communautés d’hommes et de femmes vivant selon l’exemple du Christ. Dans sa lettre à Thomas Lupset datée de juillet 1517, et placée par les éditeurs en préface de l’ Utopie , Budé a scellé l’interprétation d’une Utopie entre terre et ciel, refuge de la Justice sur le chemin du ciel, dans un ailleurs qu’il nomme « Udépotie » et qui pourrait bien être selon lui l’une des îles fortunées. Il la nomme « Hagnopolis », préfiguration de la Cité Sainte dans l’Apocalypse, avec laquelle elle ne se confond pourtant pas : elle est ce pas vers le ciel, ce havre d’espérance qui hisse la justice et l’équité un peu plus haut vers les idéaux auxquels aspirent depuis les temps anciens, philosophes ou non, les justes parmi les hommes.

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3 Il rappelle aussi la Moria de l’ Encomium moriae , grec latinisé – jeu de mots sur Morus, mais aussi procédé similaire de latinisation du grec.

4 Avant même de le présenter comme compagnon d’Amerigo Vespucci, Pierre Gilles s’empresse de préciser qu’Hythlodée « n’ignore pas le latin et connaît le grec parfaitement », expliquant qu’il « s’est appliqué <au grec> avec plus d’ardeur qu’à la langue de Rome » et que « s’étant adonné entièrement à la philosophie, il sait qu’en ce domaine le latin n’a rien laissé d’important hormis quelques passages de Sénèque et de Cicéron » (Prévost 1978, 28).

6 Bien que Raphaël Hythlodée prenne le soin prudent de faire remonter à douze ans le séjour en Angleterre qui est à l’origine de sa vision profondément sombre et pessimiste, et de ses attaques virulentes contre un régime corrompu, les lecteurs contemporains ne pouvaient s’y tromper : les maux que décrit Hythlodée sont toujours d’actualité.

7 Prévost 1978, 37, rappelle que l’éducation de Thomas More au collège St. Anthony de Londres était entièrement centrée sur l’étude de la rhétorique, les élèves étant même invités à la fin de l’année scolaire à se défier les uns les autres en de véritables joutes oratoires où le jeune Thomas More excellait. Pour une analyse approfondie des divers genres littéraires à travers lesquels le texte s’élabore, voir Prévost 1971, 161-168.

11 Prévost 1978, 65 : « En vérité, ce très grand sage avait prévu qu’il n’y avait pour la société qu’une seule et unique voie de salut : imposer l’égalité des biens […] ».

12 Trad. : Prévost 1978. Le titre complet de l’édition de 1518, à Bâle, est le suivant : De optimo Reipublicae Statu, deque nova insula Utopia, libellus vere aureus, nec minus salutaris quam festivus .

16 République , VIII, 552 b (trad. Baccou 1966 qui sera utilisée pour toutes les autres citations de la République ).

17 Pour une analyse approfondie du parallèle entre Socrate et Hythlodée, voir Starnes 1990, 24 sq . Voir également à propos du personnage d’Hythlodée, Coogan 1971 et Kautsky 1927, 131-139.

18 Quattrocki 1971, 27, souligne le parallèle entre le sens du devoir dont fait preuve le voyageur philosophe et le mythe de la caverne tel qu’il est exposé par Platon au livre V de la République  : le philosophe retournera dans la caverne, après avoir vu la lumière.

19 Prévost 1978, 53 : More cite Platon, République , V, 473 a-474 a.

20 République , VI, 496 c-d.

21 Prévost 1978, 54.

22 Prévost 1978, 46 : après une diatribe passionnée contre la peine de mort appliquée aux voleurs, Hythlodée lui oppose le système pénal d’un peuple lointain et isolé, les Polylérites. Préfiguration des Utopiens par sa sagesse et sa modération, ce peuple pacifique applique en cas de vol une loi bien plus juste et humaine, qui prévoit la restitution au propriétaire du bien volé, et la condamnation du voleur aux travaux forcés au service de la collectivité.

23 Le narrateur précise que l’île des Achoriens se trouve « au sud-est de l’île des Utopiens », renvoyant ainsi métaphoriquement à l’économie interne de l’œuvre et à la fonction narrative de ces microrécits qui préfigurent la description d’Utopia au livre II.

25 La notion de réalisme peut sembler pour le moins paradoxale, appliquée à cette fiction utopique ; nous ne l’employons ici qu’avec précautions, pour désigner l’inscription de l’île dans l’espace et dans le temps, ainsi que le souci de précision dans la description des détails matériels de la vie des Utopiens et de leur habitat.

26 Ce même glissement de l’abstrait vers le concret, s’il n’existe qu’en filigrane du texte de More, est explicitement représenté dans un dialogue de Lucien, Hermotime , que More n’a pas traduit lui-même mais qu’en tant que grand admirateur et traducteur de Lucien, il ne pouvait ignorer. Au paragraphe 22, un personnage du nom de Lycinos propose la comparaison suivante : « Admettons que la vertu, ou l’excellence, soit comme une cité ne comptant que des citoyens heureux […] et, qui plus est, parvenus au sommet de la sagesse, tous absolument courageux, justes et prudents et vivant à peu près comme des dieux. Tout ce qui arrive chez nous, le vol, la violence, l’ambition, rien de tout cela on n’a jamais osé le commettre dans cette cité. La paix et la concorde règnent entre les citoyens… ». La ressemblance de ce texte avec le livre II de l’ Utopie ne se limite pas à cette description des bonnes lois, de l’harmonie, de la parfaite modération en toutes choses qui assure le bonheur des habitants de la cité. C’est aussi la forme même de l’exposé qui rappelle cette tension entre discours prescriptif et narration mimétique dans le texte de More, présente ici dans le passage sans transition de l’exposé abstrait d’une idée (« Admettons que… ») à la description concrète de la mise en œuvre de cette idée (« La paix et la concorde règnent… »).

27 Dubois 1968, 12, voit dans ces côtes inhospitalières « la signification d’un interdit, celui de la terre promise dont le seuil est interdit à Moïse. L’utopiste chrétien ne peut admettre la réalisation terrestre d’une cité idéale : il la rendra donc inaccessible ou difficile d’accès ».

29 Prévost 1978, 450, n. 2, souligne qu’avec le nom du fondateur d’Utopie, More « reprend un mythe classique : le peuple et la cité trouvent leur origine dans un ancêtre héroïque apparu au moment où une bataille décisive anéantissait la civilisation précédente pour permettre la naissance d’une nation », et que More a pu s’inspirer de Virgile.

30 Ce détail rappelle Platon, République , 421 d-422 c : si la pauvreté empêche le potier de se procurer des outils, il sera empêché d’exercer son métier.

31 Dubois 1968, 18.

32 Lacroix 2007, 262 : « La perfection de l’essence d’Utopie n’est pas de ne pas comporter de mal, comme la cité juste de Platon, mais de disposer parfaitement des moyens de le combattre ».

33 Voir à ce propos R. Klein, « L’urbanisme politique de Filarete à Valentin Andreae », in Les Utopies à la Renaissance , Paris, PUF, 1963, p. 211, cité par Dubois 1968, 26 : « L’urbaniste et l’utopiste sont liés par une affinité psychologique. Ces grands imaginatifs ont en commun le postulat qu’on peut changer les hommes en organisant l’espace où ils se meuvent ».

35 Les commentateurs s’accordent à dire qu’il n’a pas pu avoir accès directement au texte pendant les mois de la rédaction du livre II, l’été 1516 à Anvers.

39 Prévost 1978, 112. Le passage rappelle Aristote, Politique , VII, 1, 7, à propos des « biens extérieurs » : « leur excès est forcément ou nuisible ou sans aucune utilité pour ceux qui les possèdent ; les biens de l’âme, sont, chacun, d’autant plus utiles qu’ils sont plus abondants ».

41 Ibid. , 86.

44 L’épisode des ambassadeurs anémoliens (Prévost 1978, 98-99) permet à More d’exploiter plus longuement le potentiel narratif et comique de ce renversement des valeurs matérielles : ce peuple plein de vent, creux et artificiel, ignorant – en raison de son éloignement géographique – le mépris des Utopiens pour l’or et le luxe, prend pour une pauvreté qu’ils jugent indigne et honteuse la simplicité de mise et l’absence de luxe de ce peuple. Ils décident alors de les éblouir en paradant par les rues de la ville vêtus de leurs plus beaux atours tissés de fine étoffe et portant force chaînes et ornements en or : bien évidemment, ils ne rencontrent pas l’admiration et la fascination auxquelles ils s’attendaient de la part de ce peuple fruste ; au contraire, Hythlodée décrit la façon tout à fait « réjouissante » (le mot est dans le texte) dont les ambassadeurs sont regardés avec consternation par la population qui les prend pour des proscrits, n’accordant d’intérêt qu’à leurs serviteurs et allant même jusqu’à se gausser de leurs chaînes d’or, remarquant qu’elles sont bien courtes et bien légères pour empêcher efficacement ces proscrits de s’enfuir, s’il leur en venait l’idée.

45 République , III, 416 a-417 b.

47 Prévost 1978, 76.

52 En Utopie, chaque groupe de trente familles élit tous les ans un magistrat, et les magistrats ainsi élus sont chargés d’élire un « Gouverneur », parmi quatre citoyens « présentés par le peuple ». Le Gouverneur, s’il est « soupçonné d’aspirer à la tyrannie », pourra être destitué (Prévost 1978, 77-78).

53 République , V, 422 c-423 c.

58 Hexter & Surtz 1964, p. cixii, fait l’inventaire des similarités qui existent entre la manière de faire la guerre utopienne et celle des Germains tels que les décrit Tacite dans Germania .

61 Lacroix 2007, 162.

62 Poème présent dans les quatre premières éditions : HEXASTICHON ANEMOLII POETAE LAUREATI, HYTHLODAEI EX SORORE NEPOTIS IN UTOPIAM INSULAM  / Utopia priscis dicta, ob infrequentiam,  / Nunc civitatis aemula Platonicae,  / Fortasse victrix (nam quod illa literis  / Delineavit, hoc ego una praestiti,  / Viris et opibus, optimisque legibus)  / Eutopia merito sum vocanda nomine « SIZAIN D’ANÉMOLIUS, POÈTE LAURÉAT, NEVEU DE HYTHLODÉE PAR SA SŒUR / Utopie, pour mon isolement par les anciens nommée,   / Émule à présent de la platonicienne cité, / Sur elle peut-être l’emportant – car, ce qu’avec des lettres / Elle dessina, moi seule je l’ai montré   / Avec des hommes, des ressources et d’excellentes lois – / Eutopie, à bon droit, c’est le nom qu’on me doit » (trad. Prévost 1978, 11).

64 Voir Saïd 1994, 150 : « Lucien inverse le rapport du réel et de la littérature : si l’ethnographe écrit (ou prétend écrire) ce qu’il a vu, Lucien ne voit (et ne fait voir) que ce qui a été écrit ».

66 Cf. « Luciani compluria opuscula ab Erasmo et Thoma Moro interpretibus optimis in Latinorum linguam traducta », in K. Kumaniecki, R. A. B. Mynors, C. Robinson, J. H. Waszink Leyde (éd. & notes), Opera Omnia Desiderii Erasmi Roterodami I, 1 : Ordinis primi tomus primus , Amsterdam, North Holland, 1969 et C. R. Thompson, The Translations of Lucian by Erasmus and St. Thomas More , Ithaca (New York), Cornell University Press, 1940.

67 Voir Bompaire 1958, 699  sq ., pour une analyse exhaustive de l’invention des noms propres chez Lucien.

68 Dubois 1968, 15, avance une explication intéressante des « a » privatifs dans l’ Utopie , même si cette interprétation se situe à un tout autre niveau, qu’il qualifie de « psychologique » : « La création de l’utopie est liée à un échec, ou du moins à un sentiment d’échec […]. L’utopie repose sur un “blocage” initial, un sentiment d’impossibilité, souvent conscient et souligné par l’auteur : c’est une explication psychologique possible des a privatifs dans les noms propres d’Utopie ».

69 Ce terme rappelle le mélange des dèmes et des tribus chez Lucien que Bompaire 1958, 157, commente ainsi : « Cet emploi très libre de l’état civil athénien est un aspect de cette fantaisie attique qui se développe dans l’ensemble de l’œuvre et dépasse le stade de la reconstitution historique ou comique : elle crée, par son insistance même, un climat attique qui équilibre le mirage barbare ». La création d’un « climat attique » n’est-elle pas l’un des objectifs de l’onomastique de More ?

70 Prévost commente ainsi l’étymologie de « Buthresques » : « Du grec Bou-, énorme, ayant trait à bous , bœuf, pour marquer l’énormité, et  thrèskhos , religieux. Le mot signifie le religieux par excellence  » (Prévost 1978, 605, n. 5).

72 Prévost 1978, 353 : « Les demi-savants dédaignent comme vulgaire tout ce qui ne fourmille pas de termes désuets. Certains n’ont de goût que pour les ouvrages des anciens ».

73 Rabelais (Huchon 1994), 222.

76 Rabelais, Tiers Livre , chapitre I, incipit .

77 Rabelais a probablement à l’esprit, au moment où il écrit, l’exemple de son protecteur et ami, Guillaume du Bellay, nommé gouverneur du Piémont récemment annexé et dont la gestion humaine et généreuse lui a attiré très vite l’estime de tout un peuple, et, par-delà les frontières, la réputation d’un très grand homme d’État. Sans doute aussi Rabelais, lecteur de l’ Utopie , n’est-il pas resté insensible au paradoxe que constitue la justification de ces guerres contre l’indigène récalcitrant, de la part d’un peuple qui s’est construit sur sa détestation de la guerre.

78 Rabelais (Huchon 1994), 354.

80 Pour une analyse détaillée de l’intertexte lucianesque de Rabelais, voir Lauvergnat-Gagnière 1988.

82 J. Bompaire (Bompaire 1958, 708) a analysé l’importance du motif de l’ ecphrasis d’œuvre d’art dans l’œuvre de Lucien, qui éclaire le rapport à la réalité tel qu’il se construit dans l’écriture : « Pour Lucien, le monde est à l’image d’un relief ciselé et, qui plus est, immortalisé par un poète : on ne peut rêver plus total et plus significatif renversement des rapports de réalité ». Le procédé, note-t-il, « devient encore plus complexe lorsque l’œuvre d’art est elle-même le reflet d’une œuvre littéraire » : c’est exactement le cas de figure que l’on retrouve ici, dans la description des tableaux achetés sur l’île de Medamothi, où Rabelais reprend le procédé de l’ ecphrasis si présent chez Lucien pour faire affleurer l’intertexte de Platon et de More.

85 Voir Trédé 1994, pour une analyse du jeu des citations et de la parodie dans l’œuvre de Lucien, décrite comme « un débordement jubilatoire d’imitation ».

87 Dubois 1968, 5 : « L’Arcadie fait une loi sociale du désir individuel, en supposant plus ou moins consciemment la bonté naturelle de l’homme. La devise de Thélème, “fay ce que vouldras”, est en ce sens beaucoup plus arcadienne qu’utopienne ».

88 A. Prévost a analysé l’importance, dans ce qu’il appelle « l’élaboration subconsciente du modèle utopien » chez Thomas More, du séjour de quelques années qu’il fit dans sa jeunesse à la Chartreuse de Londres (Prévost 1978, 42-45).

Pour citer cet article

Référence papier.

Emmanuelle Lacore-Martin , « L’utopie de Thomas More à Rabelais : sources antiques et réécritures » ,  Kentron , 24 | 2008, 123-148.

Référence électronique

Emmanuelle Lacore-Martin , « L’utopie de Thomas More à Rabelais : sources antiques et réécritures » ,  Kentron [En ligne], 24 | 2008, mis en ligne le 13 mars 2018 , consulté le 08 avril 2024 . URL  : http://journals.openedition.org/kentron/1644 ; DOI  : https://doi.org/10.4000/kentron.1644

Emmanuelle Lacore-Martin

Université d’Édimbourg

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Philosophy Theses and Dissertations

Theses/dissertations from 2023 2023.

Karl Marx on Human Flourishing and Proletarian Ethics , Sam Badger

The Ontological Grounds of Reason: Psychologism, Logicism, and Hermeneutic Phenomenology , Stanford L. Howdyshell

Theses/Dissertations from 2022 2022

Interdisciplinary Communication by Plausible Analogies: the Case of Buddhism and Artificial Intelligence , Michael Cooper

Heidegger and the Origin of Authenticity , John J. Preston

Theses/Dissertations from 2021 2021

Hegel and Schelling: The Emptiness of Emptiness and the Love of the Divine , Sean B. Gleason

Nietzsche on Criminality , Laura N. McAllister

Learning to be Human: Ren 仁, Modernity, and the Philosophers of China's Hundred Days' Reform , Lucien Mathot Monson

Nietzsche and Eternal Recurrence: Methods, Archives, History, and Genesis , William A. B. Parkhurst

Theses/Dissertations from 2020 2020

Orders of Normativity: Nietzsche, Science and Agency , Shane C. Callahan

Humanistic Climate Philosophy: Erich Fromm Revisited , Nicholas Dovellos

This, or Something like It: Socrates and the Problem of Authority , Simon Dutton

Climate Change and Liberation in Latin America , Ernesto O. Hernández

Anorexia Nervosa and Bulimia Nervosa as Expressions of Shame in a Post-Feminist , Emily Kearns

Nostalgia and (In)authentic Community: A Bataillean Answer to the Heidegger Controversy , Patrick Miller

Cultivating Virtue: A Thomistic Perspective on the Relationship Between Moral Motivation and Skill , Ashley Potts

Identity, Breakdown, and the Production of Knowledge: Intersectionality, Phenomenology, and the Project of Post-Marxist Standpoint Theory , Zachary James Purdue

Theses/Dissertations from 2019 2019

The Efficacy of Comedy , Mark Anthony Castricone

William of Ockham's Divine Command Theory , Matthew Dee

Heidegger's Will to Power and the Problem of Nietzsche's Nihilism , Megan Flocken

Abelard's Affective Intentionalism , Lillian M. King

Anton Wilhelm Amo's Philosophy and Reception: from the Origins through the Encyclopédie , Dwight Kenneth Lewis Jr.

"The Thought that we Hate": Regulating Race-Related Speech on College Campuses , Michael McGowan

A Historical Approach to Understanding Explanatory Proofs Based on Mathematical Practices , Erika Oshiro

From Meaningful Work to Good Work: Reexamining the Moral Foundation of the Calling Orientation , Garrett W. Potts

Reasoning of the Highest Leibniz and the Moral Quality of Reason , Ryan Quandt

Fear, Death, and Being-a-problem: Understanding and Critiquing Racial Discourse with Heidegger’s Being and Time , Jesús H. Ramírez

The Role of Skepticism in Early Modern Philosophy: A Critique of Popkin's "Sceptical Crisis" and a Study of Descartes and Hume , Raman Sachdev

How the Heart Became Muscle: From René Descartes to Nicholas Steno , Alex Benjamin Shillito

Autonomy, Suffering, and the Practice of Medicine: A Relational Approach , Michael A. Stanfield

The Case for the Green Kant: A Defense and Application of a Kantian Approach to Environmental Ethics , Zachary T. Vereb

Theses/Dissertations from 2018 2018

Augustine's Confessiones : The Battle between Two Conversions , Robert Hunter Craig

The Strategic Naturalism of Sandra Harding's Feminist Standpoint Epistemology: A Path Toward Epistemic Progress , Dahlia Guzman

Hume on the Doctrine of Infinite Divisibility: A Matter of Clarity and Absurdity , Wilson H. Underkuffler

Climate Change: Aristotelian Virtue Theory, the Aidōs Response and Proper Primility , John W. Voelpel

The Fate of Kantian Freedom: the Kant-Reinhold Controversy , John Walsh

Time, Tense, and Ontology: Prolegomena to the Metaphysics of Tense, the Phenomenology of Temporality, and the Ontology of Time , Justin Brandt Wisniewski

Theses/Dissertations from 2017 2017

A Phenomenological Approach to Clinical Empathy: Rethinking Empathy Within its Intersubjective and Affective Contexts , Carter Hardy

From Object to Other: Models of Sociality after Idealism in Gadamer, Levinas, Rosenzweig, and Bonhoeffer , Christopher J. King

Humanitarian Military Intervention: A Failed Paradigm , Faruk Rahmanovic

Active Suffering: An Examination of Spinoza's Approach to Tristita , Kathleen Ketring Schenk

Cartesian Method and Experiment , Aaron Spink

An Examination of John Burton’s Method of Conflict Resolution and Its Applicability to the Israeli-Palestinian Conflict , John Kenneth Steinmeyer

Speaking of the Self: Theorizing the Dialogical Dimensions of Ethical Agency , Bradley S. Warfield

Changing Changelessness: On the Genesis and Development of the Doctrine of Divine Immutability in the Ancient and Hellenic Period , Milton Wilcox

Theses/Dissertations from 2016 2016

The Statue that Houses the Temple: A Phenomenological Investigation of Western Embodiment Towards the Making of Heidegger's Missing Connection with the Greeks , Michael Arvanitopoulos

An Exploratory Analysis of Media Reporting of Police Involved Shootings in Florida , John L. Brown

Divine Temporality: Bonhoeffer's Theological Appropriation of Heidegger's Existential Analytic of Dasein , Nicholas Byle

Stoicism in Descartes, Pascal, and Spinoza: Examining Neostoicism’s Influence in the Seventeenth Century , Daniel Collette

Phenomenology and the Crisis of Contemporary Psychiatry: Contingency, Naturalism, and Classification , Anthony Vincent Fernandez

A Critique of Charitable Consciousness , Chioke Ianson

writing/trauma , Natasha Noel Liebig

Leibniz's More Fundamental Ontology: from Overshadowed Individuals to Metaphysical Atoms , Marin Lucio Mare

Violence and Disagreement: From the Commonsense View to Political Kinds of Violence and Violent Nonviolence , Gregory Richard Mccreery

Kant's Just War Theory , Steven Charles Starke

A Feminist Contestation of Ableist Assumptions: Implications for Biomedical Ethics, Disability Theory, and Phenomenology , Christine Marie Wieseler

Theses/Dissertations from 2015 2015

Heidegger and the Problem of Modern Moral Philosophy , Megan Emily Altman

The Encultured Mind: From Cognitive Science to Social Epistemology , David Alexander Eck

Weakness of Will: An Inquiry on Value , Michael Funke

Cogs in a Cosmic Machine: A Defense of Free Will Skepticism and its Ethical Implications , Sacha Greer

Thinking Nature, "Pierre Maupertuis and the Charge of Error Against Fermat and Leibniz" , Richard Samuel Lamborn

John Duns Scotus’s Metaphysics of Goodness: Adventures in 13th-Century Metaethics , Jeffrey W. Steele

A Gadamerian Analysis of Roman Catholic Hermeneutics: A Diachronic Analysis of Interpretations of Romans 1:17-2:17 , Steven Floyd Surrency

A Natural Case for Realism: Processes, Structures, and Laws , Andrew Michael Winters

Theses/Dissertations from 2014 2014

Leibniz's Theodicies , Joseph Michael Anderson

Aeschynē in Aristotle's Conception of Human Nature , Melissa Marie Coakley

Ressentiment, Violence, and Colonialism , Jose A. Haro

It's About Time: Dynamics of Inflationary Cosmology as the Source of the Asymmetry of Time , Emre Keskin

Time Wounds All Heels: Human Nature and the Rationality of Just Behavior , Timothy Glenn Slattery

Theses/Dissertations from 2013 2013

Nietzsche and Heidegger on the Cartesian Atomism of Thought , Steven Burgess

Embodying Social Practice: Dynamically Co-Constituting Social Agency , Brian W. Dunst

Subject of Conscience: On the Relation between Freedom and Discrimination in the Thought of Heidegger, Foucault, and Butler , Aret Karademir

Climate, Neo-Spinozism, and the Ecological Worldview , Nancy M. Kettle

Eschatology in a Secular Age: An Examination of the Use of Eschatology in the Philosophies of Heidegger, Berdyaev and Blumenberg , John R. Lup, Jr.

Navigation and Immersion of the American Identity in a Foreign Culture to Emergence as a Culturally Relative Ambassador , Lee H. Rosen

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A Philosophical Analysis of Intellectual Property: In Defense of Instrumentalism , Michael A. Kanning

A Commentary On Gottfried Wilhelm Leibniz's Discourse on Metaphysics #19 , Richard Lamborn Samuel Lamborn

Sellars in Context: An Analysis of Wilfrid Sellars's Early Works , Peter Jackson Olen

The New Materialism: Althusser, Badiou, and Zizek , Geoffrey Dennis Pfeifer

Structure and Agency: An Analysis of the Impact of Structure on Group Agents , Elizabeth Kaye Victor

Moral Friction, Moral Phenomenology, and the Improviser , Benjamin Scott Young

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The Virtuoso Human: A Virtue Ethics Model Based on Care , Frederick Joseph Bennett

The Existential Compromise in the History of the Philosophy of Death , Adam Buben

Philosophical Precursors to the Radical Enlightenment: Vignettes on the Struggle Between Philosophy and Theology From the Greeks to Leibniz With Special Emphasis on Spinoza , Anthony John Desantis

The Problem of Evil in Augustine's Confessions , Edward Matusek

The Persistence of Casuistry: a Neo-premodernist Approach to Moral Reasoning , Richard Arthur Mercadante

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Unamuno's Concept of the Tragic , Ernesto O. Hernandez

Rethinking Ethical Naturalism: The Implications of Developmental Systems Theory , Jared J.. Kinggard

From Husserl and the Neo-Kantians to Art: Heidegger's Realist Historicist Answer to the Problem of the Origin of Meaning , William H. Koch

Queering Cognition: Extended Minds and Sociotechnologically Hybridized Gender , Michele Merritt

Hydric Life: A Nietzschean Reading of Postcolonial Communication , Elena F. Ruiz-Aho

Descartes' Bête Machine, the Leibnizian Correction and Religious Influence , John Voelpel

Aretē and Physics: The Lesson of Plato's Timaeus , John R. Wolfe

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On the Concept of Evil: An Analysis of Genocide and State Sovereignty , Jason J. Campbell

The Role of Trust in Judgment , Christophe Sage Hudspeth

Truth And Judgment , Jeremy J. Kelly

The concept of action and responsibility in Heidegger's early thought , Christian Hans Pedersen

Roots and Role of the Imagination in Kant: Imagination at the Core , Michael Thompson

Theses/Dissertations from 2008 2008

Peirce on the Passions: The Role of Instinct, Emotion, and Sentiment in Inquiry and Action , Robert J. Beeson

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Entre utopie et dystopie : des idées lectures pour penser un monde idéal (ou pas)

Publié le mercredi 12 août 2020 à 14h32

Guénaelle Le Solleu, rédactrice en chef de "L'Elephant", Michel Porret, historien et François Angelier, producteur de "Mauvais genre" sur France Culture, proposent une sélection d'ouvrages où utopies et dystopies se rencontrent pour penser un monde meilleur, ses espérances tout comme ses contradictions. À découvrir.

Un autre monde est-il possible avec l'utopie et la dystopie ? C'est souvent lorsque la société est en pleine désillusion, en situation de crise quelle qu'elle soit que nous nous interrogeons sur notre avenir et tentons de penser un monde meilleur pour demain. L'utopie et la dystopie prennent en compte ce qu'on appelle "un horizon d'attente", en fonction de l'époque dans laquelle on se situe, c'est-à-dire que chaque époque pense son idéal en fonction des enjeux sociétaux qui la préoccupent.

Quand le genre utopique essaie de mettre en fiction ce projet d'un monde idéal (qui n'existe pas mais vers lequel nous nous efforçons de tendre), la dystopie, elle, va, au contraire, donner à penser les limites de l'utopie, en contredisant les trop grandes espérances qu'elle suscite et les limites qu'un monde trop parfait pourrait impliquer. 

"Utopies réalistes" de Rutger Bregman (2014)

▶︎ Editions du Seuil

L'historien Michel Porret évoque un ouvrage de l'historien et journaliste Rutger Bregman, écrivain et historien néerlandais auteur d'un best-seller il y a quelques années qui s'appelle " Utopies réalistes " : " C'est véritablement une réflexion de type Thomas More sur l'utopie, avec un horizon d'attente absolument extraordinaire qui était celui d'une société qui vivait à l'heure de l'Etat providence. Un système qui est en train d'être détruit partout en Europe, partout dans les sociétés démocratiques. Il se demande pourquoi on n'a pas pu en finir avec la pauvreté et quels seraient les remèdes pour essayer d'en finir avec ce fléau social. 

Ce livre articule l'utopie dans une réflexion politique, mais reflète aussi ce qui anime la société sur ce mot compliqué de "l'horizon d'attente". Très longtemps, il a été question de bonheur social, désormais, on se place peut-être dans quelque chose qui est du bonheur dans le sécuritaire absolu ". 

De quoi ça parle ? Utopies réalistes explique comment construire un monde idéal aujourd’hui et ne pas désespérer. D'une ville canadienne qui a totalement éradiqué la pauvreté à l’histoire d'un revenu de base pour des millions d'Américains sous Richard Nixon, voici un voyage à travers l'histoire des idées. Tout progrès de la civilisation, des débuts de la démocratie à la fin de l'esclavage, fut d’abord considéré comme un fantasme de doux rêveur. Appuyé sur les travaux d'économistes, cet essai rouvre plusieurs perspectives : la réduction du temps de travail, le revenu universel, plus largement la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités, l'ouverture des frontières… 

Jules Verne  

François Angelier conseille la lecture de Jules Verne qui, selon lui, était bien plus pessimiste qu'on ne le pense : " C'est quelqu'un qui avait une confiance extrêmement limitée dans le modernisme, son œuvre fait souvent référence à une sorte d'utopie industrielle et technologique. Contrairement à ce qu'on pense, ce n'est pas le prophète des sciences ; c'est quelqu'un qui avait une vision assez sombre et assez angoissée de tout cela :

Chaque fois qu'il a inventé une utopie, celle-ci a mal tourné ou prenait des allures extrêmement singulières 
  • "Vingt Mille Lieues sous les mers" (1869-1870)

▶︎ Chez livre de poche

La mer était une passion pour Jules Verne et c’est elle qui est au centre de l’un de ses meilleurs et plus célèbres romans : "Une utopie qui repose sur la conception technologiquement aboutie d'un homme qui voulait créer un lieu autre, où renaître et créer un monde qui serait pour lui l'idéal et, évidemment, un monde sous-marin. Quand on connait le dénouement, on sait aussi à quoi le Nautilus de Jules Verne peut servir sur le plan de la destruction et de l'agression". 

  • "L'Île à hélice" (1895)

▶︎ Chez Éditions du Rocher

"_Une autre utopie de Jules Verne qui est tout à fait caractéristique. Il imagine que quelques milliardaires ont créé une île artificielle qui, avec deux moteurs, se déplace à la surface des mers en étant toujours baignée par le soleil. Il n'y a plus de mauvais temps, plus de tempête, plus d'ouragan. On est toujours dans une sorte d' utopie météorologique . On retrouve une sorte de paradis qui finit très mal puisque suite à des dissensions religieuses, l'île à hélice explose._" 

  • "Les Cinq Cents Millions de la Bégum" (1879)

▶︎ Chez livre de poche 

Le Dr Sarrasin, paisible savant français, se trouve soudain à la tête d'un fabuleux héritage : les cinq cents millions de la Bégum Gokool. Mais le Pr Schultze revendique vigoureusement sa part. Les deux hommes finissent par s'entendre et partagent cette fortune. Tandis que le Français emploie son argent à l'édification d'une cité modèle, France-Ville, l'Allemand élève la Cité de l'Acier et entend construire un canon pour détruire France-Ville et soumettre le monde. 

" Les précisions que donne Jules Verne avec une malice totale pour la construction de ce bonheur urbain sont telles que, évidemment, peu à peu, on a le sentiment d'un univers disciplinaire et concentrationnaire qui n'a d'équivalent que son envers allemand, cette cité prussienne militarisée et industrielle. 

On se rend compte que les deux cités offrent un enfer terrestre à peu près équivalent, même si le roman est pétri d'idéaux tout à fait contradictoires.

"L'utopie" de Thomas More (1516)

▶︎ Chez Flammarion

C’est l'humaniste Thomas More (1478-1535) qui a inventé le mot "utopie" et lui donne ici sa pleine définition en y défendant l’ouverture d’esprit et la discussion pour améliorer le plus possible la société. L'historien Michel Porret rappelle que Thomas More écrit cette œuvre au moment où l'Europe vit le plus grand choc culturel de l'histoire de l'humanité : l'époque des grandes explorations et de la découverte de l'Amérique (l'Europe estime avoir découvert une autre partie de l'humanité aux Amériques).  Il s'agit aussi d'essayer, dans cette œuvre, de rattacher cette découverte à la même histoire de l'humanité. 

C'est avec lui que le genre utopique va inonder la culture occidentale et devenir une façon de penser le monde

De quoi ça parle ? Chancelier du roi Henri VIII, Thomas More se désole des mœurs de son temps où corruption, abus, racket sont monnaie courante dans une société féodale sur le déclin. Il rêve d’un autre monde, d'une république exemplaire où la propriété individuelle et l’argent seraient abolis et les citoyens gouvernés par la raison et la vertu. Ce texte aux accents résolument modernes brosse le tableau d’une société anglaise décadente pour mieux introduire le lecteur à un univers débarrassé des faux-semblants et de l’injustice. Thomas More y conçoit son rêve humaniste : l'île d'Utopie, une communauté civile régie par "la meilleure forme de gouvernement". Éducation du peuple, entraide, tolérance religieuse... Il formule avec méthode les principes et les lois de cette cité nouvelle. Mais, loin de constituer une évasion vers un ailleurs idéal, cette Utopie est avant tout une réflexion sur les fondements éthiques et politiques d'une société juste et heureuse.

"L'An 2440, rêve s'il en fut jamais" de Louis-Sébastien Mercier (1771)

▶︎ Edition La Découverte

Michel Porret salue "le véritable coup de génie de Louis-Sébastien Mercier, écrivain français du mouvement des Lumières qui casse le paradigme utopique, le monde idéal ailleurs sur la terre, dans une île parfaite ou quelque part dans les cieux parfaits, et déplace le réformisme par "l' utopie dans le temps ". 

Résumé : Louis-Sébastien Mercier, l’auteur du célèbre Tableau de Paris (entre 1781 et 1788) s’endort un soir à minuit et se réveille quelque 700 ans plus tard, dans un Paris totalement nouveau. Il s’étonne de tout, est lui-même objet de curiosité et tire de sa vision de profondes réflexions tant politiques que sociales et économiques. Le Paris de 2440 , « auguste et respectable année », apparaît au lecteur à la fois comme un songe merveilleux et la description d’une société idéale. Louis-Sébastien Mercier, nourri des Lumières, croit en effet en la mission prophétique des philosophes et écrivains et délivre ici  sa vision d’un monde meilleur.

"Le monde tel qu'il sera" de Émile Souvestre (1846)

▶︎ Disponible gratuitement sur Google Book (Édition Wilfrid Coquebert)

Jonathan Swift et Voltaire étaient deux penseurs extrêmement sceptiques sur l'utopie , ils ont montré à quel point cet imaginaire chimérique qu'est l'utopie ne menait à rien, tant elle nous invite à vivre hors de l'histoire. Dans leur héritage se met en place toute une série de livres. Le premier d'entre eux est mal connu, c'est l'oeuvre d'un type absolument extravagant, Émile Souvestre. Il a écrit cette dystopie industrialiste extraordinaire , où, par exemple, le sein des nourrices est remplacé par un sein à vapeur. On plonge dans un monde épouvantable qui est réglé par le capitalisme, l'industrialisme. On construit à partir de ce moment-là des modèles alternatifs. 

La dystopie, c'est ici l'anti-utopie : vers quel enfer nous mène le monde idéal ? 

- Michel Perrot

Résumé : Marthe et Maurice, deux jeunes mariés modestes et idéalistes de 1845 curieux d'observer comment leur espoir d’un monde futur meilleur se traduira, visitent le monde de l’an 3000. Mais ils se rendent compte que celui-ci est épouvantable, dénué de toutes les valeurs essentielles de la vie sur lesquelles ils comptent. 

"Sur la route" de Jack Kerouac (1957) et "La route" de Cormac McCarthy (2008)

▶︎ Chez Gallimard 

▶︎ Chez Éditions de l'Olivier

Le passage de l'utopie à la dystopie est, selon François Angelier, véritablement incarné par ces deux romans qui portent à peu près le même titre : "on voit comment un idéal utopique qui est celui de la route, identifiée à l'horizon sans cesse relancé, sans cesse redéfini, où tout est possible et où les espérances sont toujours inscrites dans l'Après : on ne sait pas qui on va rencontrer et quel paysage on va découvrir ! 

Que nous réserve la route de Kerouac ? Le livre est centré sur le personnage obscur et fascinant de Dean Moriarty, considéré comme le chef de file de la Beat Generation . En révolte contre l'hypocrisie morale de l'Amérique bien-pensante, Jack Kerouac parcourt les États-Unis à la recherche d'un nouveau mode de vie. 

Et dans celui de Cormac McCarthy, la route est devenue un espace de survie totalement dystopique où l'on consomme l'effondrement généralisé à la fois des corps, des choses, des sociétés :  l'horreur, le cannibalisme, la mort, la pluie de cendres… 

On a bien, avec ces deux livres, le passage vers le désenchantement total de l'espérance humaine.

"Une machine comme moi" de Ian McEwan (2020)

▶︎ Editions Gallimard 

Michel Porret cite également le dernier livre de l'auteur britannique : " Un roman qui raconte l'irruption de cyborgs absolument parfaits dans la société contemporaine, au point que les femmes peuvent aller faire l'amour avec un cyborg sans se rendre compte que c'est une machine. 

C'est un horizon d'attente extrêmement important sur la post-humanité

L'utopie et la dystopie ont toujours fonctionné sur ce type de paradigme pour essayer non de refléter mais d'être en prise avec quelque chose qui est à l'œuvre très profondément dans une société ". 

Résumé : Londres, 1982. Dans un monde qui ressemble à s’y méprendre au nôtre, quelques détails dissonent : les Beatles sont toujours au complet, les Anglais ont perdu la guerre des Malouines et le chercheur Alan Turing est encore en vie. Grâce à lui, les prouesses technologiques sont inouïes et les avancées scientifiques en matière d’intelligence artificielle fulgurantes. C’est ainsi que Charlie fait l’acquisition d’un "Adam", un androïde doté de l’intelligence artificielle la plus perfectionnée qui soit. Adam ressemble beaucoup à un humain. Adam et ses semblables ont été conçus pour respecter les règles et ne parviennent pas à accepter les imperfections du monde. 

Et tant d'autres !

  • "Nous-autres" de Ievgueni Zamiatine (1924) (édition Gallimard)
  • "Le meilleur des mondes" d'Aldous Huxley (1932) (édition pocket)
  • "Le talon de fer" (1907) (édition libertalia) ou l'extraordinaire dystopie anticapitaliste de Jack London qui est vraiment un des premiers grands livres qui dénonce le capitalisme mondial
  • "La Kallocaïne" de Karin Boye (1940) (éditions actusf)
  • "1984" de Georges Orwell (1949) (édition Gallimard et/ou Folio )

Aller plus loin 

🎧 RÉÉCOUTER - L'été comme jamais, animée par Dorothée Barba : L'utopie est-elle encore possible ?

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Cours : La dystopie : la fin de l'utopie

La dystopie : la fin de l'utopie

Introduction :

L’histoire contemporaine est marquée par une violence sans précédent qui a pu se déployer selon des fins industrielles (les camps du Goulag de l’URSS exploitant des prisonniers pour construire des infrastructures économiques) ainsi que par des moyens industriels (les camps d’exterminations nazis). Les totalitarismes soviétiques et nazis ont produit une représentation de l’humain plus que jamais pessimiste. Cette transformation, liée à la violence de l’histoire du XX e  siècle, a mis à mal les utopies que la littérature et la philosophie avaient pu proposer, d’ Utopia de Thomas More (1516) au Phalanstère de Charles Fourier (1830), qui décrivent des modèles d’idéaux politiques et sociaux. « Utopie » signifie « sans lieu », par définition, elle n’existe donc pas dans le réel. Elle se conçoit toutefois comme une perfection qui, si elle est inaccessible, peut toujours être visée pour que l’humanité progresse.

Au XX e  siècle, les utopies laissent la place aux dystopies, du grec dys -, préfixe qui traduit le dysfonctionnement d’un système, et topos , le lieu. Une dystopie décrit le mécanisme d’un pouvoir totalitaire représenté au travers d’une société imaginaire où un faux bonheur est organisé et cache, aux yeux même des êtres humains, le malheur dans lequel ils sont plongés. Elle est donc une utopie apparente qui tourne au cauchemar. Le rôle de la dystopie est d’alerter contre les nuisances de l’application pratique d’une idéologie totalitariste. C’est pourquoi le genre de la dystopie relève de l’anticipation. Mais plus qu’une fausse utopie, la dystopie est une critique de l’utopie comme fondement et justification des systèmes totalitaires. Ainsi, le régime nazi s’ancrait dans une utopie suprémaciste raciale, et l’URSS reposait sur une utopie communiste.

Notre violence actuelle est-elle le signe de la fin de l’humanité ?

Dystopie et politique

Le Meilleur des mondes d’ Aldous Huxley , paru en 1932, est l’un des premiers romans d’anticipation décrivant une société dystopique. Publié dans l’entre-deux guerres, en pleine période de crise sociale, trois ans après la crise de 1929, il présente une critique acerbe du système capitaliste américain.

Aldous Huxley (1894-1963) est un écrivain, romancier et philosophe britannique, connu pour son roman Le Meilleur des mondes , mais aussi pour Les Portes de la perception , ensemble d’essais qui relatent les expériences vécues sous l’effet de la mescaline, une drogue psychédélique.

Alt texte

Le Meilleur des mondes est un titre ironique qui renvoie à l’idée de l’optimisme philosophique de Leibniz selon lequel l’univers, la société et l’humanité sont nécessairement parfaits. Selon lui, le monde est organisé harmonieusement par l’intelligence divine. Voltaire , dans son livre Candide ou l’Optimisme , avait déjà repris cette formule à titre critique : « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles » . Dans le titre de Huxley, le retrait de l’adjectif « possible » désigne dès lors un monde qui serait absolument parfait en soi. Cette utopie apparente dissimule à peine une dystopie dont l’histoire se déroule à Londres à une date imaginaire.

Dans cette société, les hommes vivent dans un État unique appelé « l’État mondial » . Ceux qui y vivent sont des individus socialement dressés. Ceux qui ne le sont pas appartiennent aux « sauvages » et sont regroupés dans des réserves. Pour ce qui est de l’éducation, l’enseignement de l’histoire a disparu, jugé inutile. En réalité, les anciennes sociétés ont été détruites à cause d’une guerre mondiale, la « guerre de 9 ans » .

Concernant la religion, les cultes chrétiens sont interdits, considérés comme trop passionnés. Les croix chrétiennes ont été coupées à leur sommet pour former un « T », qui symbolise l’être suprême, à savoir Henry Ford, et fait référence son modèle de voiture, la Ford Model T. La supplication « Dieu du Ciel ! » est remplacée par « Ford du Tacot ! » Les fidèles doivent prendre le Soma, la drogue du bonheur qui peut plonger dans l’illusion d’une béatitude paradisiaque.

Ici, la référence à Henry Ford, un entrepreneur américain à qui on doit le modèle industriel fordiste, montre l’ancrage de la dystopie dans le réel . Bien qu’il s’agisse d’une fiction qui se situe hors du monde réel, on comprend que le véritable sujet de l’œuvre est une critique de la société contemporaine. À la différence notable d’une utopie, la dystopie ne se situe pas seulement hors du monde, elle en est le reflet.

Henry Ford (1863-1947) est un entrepreneur américain à l’origine du modèle industriel fordiste, qui s’inspire du taylorisme et s’appuie sur la division du travail et la conception de systèmes de production standardisés. Autrement dit, il est à l’origine du travail à la chaine dans les usines.

Alt texte

La reproduction sexuée habituelle n’existe plus. Tous les humains sont fabriqués en laboratoire, dans le Centre d’incubation et de conditionnement de « Londres Central » . Les fœtus se développent dans des flacons. Un traitement des embryons détermine leur futur statut et leur place dans la hiérarchie sociale, avec les aptitudes, les attitudes et les goûts qui vont avec. Les embryons qui sont destinés à faire partie des castes inférieures reçoivent une dose d’alcool : celle-ci vient perturber leur croissance, les rend rachitiques et produit des effets traumatiques. Cette pratique eugéniste a pour but de réguler le marché du travail et de prévoir le nombre de personnes dont la société a besoin pour assurer tel ou tel service et satisfaire tel ou tel besoin. Le « service de prédestination » s’occupe de cette gestion, notamment en définissant des quotas. Les individus destinés aux castes inférieures sont produits en série selon des procédés qu’on appellerait aujourd’hui de « clonage » et qui sont ceux de la fabrication à la chaîne des voitures Ford, selon les principes de l’organisation scientifique du travail (le modèle fordiste). Enfants, les individus reçoivent un enseignement « hypnopédique » , c’est-à-dire un apprentissage par des conditionnements mentaux qui ont lieu durant leur sommeil. Le but est d’ancrer en eux une morale subconsciente garantissant leur docilité.

La société stigmatise les sujets tels que la reproduction sexuée, la maternité, la famille et le mariage. La sexualité existe comme activité, non de reproduction, mais seulement de plaisir. La durée des relations est limitée à quelques semaines, afin que des liens d’attachements n’apparaissent pas. La contraception est extrêmement développée. En ce qui concerne la vie sociale, tous les membres de la société, quel que soit leur rang, sont conditionnés pour être de bons consommateurs. La participation à la vie sociale est obligatoire et la solitude est un comportement considéré comme marginal et suspect.

Dans l’extrait suivant, John dit « Le Sauvage » est arrêté par la police après un moment de révolte. Une discussion a lieu avec Mustapha Menier, un représentant du Gouvernement Mondial. Après que John ait critiqué la société de consommation et ce qu’elle a fait de l’homme, à savoir un lâche qui s’ignore et n’a plus rien de « noble, beau et héroïque » , Mustapha Menier lui répond :  

« – Mon cher jeune ami, dit Mustapha Menier, la civilisation n’a pas le moindre besoin de noblesse ou d’héroïsme. Ces choses-là sont des symptômes d’incapacité politique. Dans une société convenablement organisée comme la nôtre, personne n’a l’occasion d’être noble ou héroïque. Il faut que les conditions deviennent foncièrement instables avant qu’une telle occasion puisse se présenter. Là où il y a des guerres, là où il y a des serments de fidélité multiples et divisés, là où il y a des tentations auxquelles on doit résister, des objets d’amour pour lesquels il faut combattre ou qu’il faut défendre, là, manifestement, la noblesse et l’héroïsme ont un sens. Mais il n’y a pas de guerres, de nos jours. On prend le plus grand soin de vous empêcher d’aimer exagérément qui que ce soit. Il n’y a rien qui ressemble à un serment de fidélité multiple ; vous êtes conditionné de telle sorte que vous ne pouvez vous empêcher de faire ce que vous avez à faire. Et ce que vous avez à faire est, dans l’ensemble, si agréable, on laisse leur libre jeu à un si grand nombre de vos impulsions naturelles, qu’il n’y a véritablement pas de tentations auxquelles il faille résister. Et si jamais, par quelque malchance, il se produisait d’une façon ou d’une autre quelque chose de désagréable, eh bien, il y a toujours le soma qui vous permet de prendre un congé, de vous évader de la réalité. Et il y a toujours le soma pour calmer votre colère, pour vous réconcilier avec vos ennemis, pour vous rendre patient et vous aider à supporter les ennuis. Autrefois, on ne pouvait accomplir ces choses-là qu’en faisant un gros effort et après des années d’entraînement moral pénible. À présent, on avale deux ou trois comprimés d’un demi-gramme, et voilà. Tout le monde peut être vertueux, à présent. On peut porter sur soi, en flacon, au moins la moitié de sa moralité. Le christianisme sans larmes, voilà ce qu’est le soma. »

Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes , 1932.

Dans cette société, en apparence, tout va bien, donc. Mais la répression y est latente et la violence larvée. Le conditionnement collectif suffit à étouffer toute révolte en retirant cette idée de l’esprit humain et en limitant ses aptitudes, intellectuelles, physiques et morales.

  • L’éducation ne relève pas du développement personnel mais de l’insertion professionnelle prédéfinie.
  • La connaissance scientifique n’est en aucun cas vulgarisée (mais ses secrets sont bien soigneusement cachés).
  • La pensée critique est anesthésiée. Ainsi, pas de philosophie. Les médias (la télévision notamment) diffusent des informations et des divertissements futiles qui sont autant de tranquillisants sociaux et de formes d’endormissement des consciences. Le bavardage, comme forme non critique de l’échange verbal, est favorisé. Rien de sérieux ne doit être mis en avant : tout doit être léger et joyeux, standard humain exhibé par la publicité.

Le Meilleur des mondes révèle donc différents problèmes que l’auteur souhaite mettre en lumière : la société de consommation, l’idéal fordiste, la drogue et l’abandon des valeurs chrétiennes. À la différence du genre littéraire de l’ essai qui s’appuie sur la démonstration, la dystopie s’appuie sur la monstration : l’auteur montre, par le biais d’un discours fictionnel, les défauts de la société. Ce n’est pas l’adhésion par la raison que l’auteur cherche à susciter chez le lecteur, mais une adhésion par l’émotion. La lecture de l’œuvre d’Aldous Huxley provoque volontairement un sentiment de malaise qui nous pousse à rejeter cette société supposément idéale.

Dystopie et paranoïa

En outre, beaucoup de dystopies montrent comment des systèmes totalitaires se construisent autour du délire mégalomane de certains dictateurs. Dans ce cas, la dystopie dévoile une société qui a l’air réelle et évoque de près des formes historiques du totalitarisme, notamment celle du nazisme. C’est en ce sens que le groupe Pink Floyd, a composé un album concept sur le sujet, The Wall , album musical sorti en 1979 qui a fait l’objet d’une adaptation cinématographique, un film musical, réalisé par Alan Parker, sorti en 1982.

Alt texte

Pink Floyd est un groupe de rock britannique, psychédélique et progressif, fondé en 1965. Il est connu pour de nombreux albums, notamment The Dark Side of the Moon et Wish you were here .

Dans The Wall , Pink est une star du rock qui, depuis son enfance, se fabrique un mur protecteur derrière lequel il croit pouvoir se réfugier et se protéger. Ce mur est à la fois mental et social. Il construit cette barrière pour se préserver du rejet des autres qu’il subit depuis son plus jeune âge : son père est mort à la guerre et il cherche en vain un père de remplacement. Il est rêveur en classe et son instituteur l’humilie devant les autres élèves parce qu’il écrit des poèmes au lieu de suivre le cours et d’ânonner les leçons du maître. Sa mère est trop protectrice et castratrice. Plus tard, son mariage est un échec et il sombre dans la drogue. À chaque étape traumatisante de sa vie et de sa relation aux autres, une brique est ajoutée à la forteresse intérieure : encore une brique de plus dans le mur – idée qui renvoie à la fameuse chanson « Another Brick in the Wall » – dont les interstices sont comblés pour devenir un enfermement totalement hermétique qui va produire ses propres monstres et ses propres délires.

Ce mur finit par étouffer Pink dans sa solitude et son malheur, jusqu’à la démence, une sorte de paranoïa qui, au-delà de la pathologie individuelle, constitue le symbole du sentiment de persécution que nous subissons tous dans notre système. En psychiatrie, la paranoïa est un trouble mental dont les symptômes sont des difficultés relationnelles, un enfermement sur soi et un délire de persécution dans lequel les autres sont vus comme des menaces d’agression. Cette pathologie peut s’accompagner d’une tendance à la mégalomanie en réaction aux comportements de protection, ce qui est le cas chez Pink : enfant esseulé, il devient une star à l’âge adulte et, dans un ultime délire qui relève très probablement de l’hallucination, il opère une mutation physique : la star de rock se transforme en dictateur.

Dans le film, trois chansons successives représentent l’apparition de cette dystopie mentale qui prend des allures de dystopie politique dans laquelle un dictateur veut imposer son régime totalitaire. Le processus de prise de pouvoir décrit dans ces trois chansons est comparable aux trois étapes qui ont mené Hitler au pouvoir.

Dans la première chanson, « In the Flesh? », juste après la mutation de la rock star en dictateur, Pink se rend à un meeting politique dont il est la vedette, tout comme il était la vedette de ses concerts. Il est désormais vêtu d’habits noirs, serrés de cuir à la taille, les cheveux tirés en arrière. Dans ce rassemblement politique, le ton est tout de suite donné : discours enragé au micro, couleurs rouges et noires, grands drapeaux tombant du plafond haut avec un sigle représentant deux marteaux qui se croisent, allusion à la croix gammée nazie. Pink salue la foule en croisant ses deux avant-bras, poings croisés, et la foule l’imite. La foule, aliénée à la cause de Pink, est en délire. Au milieu des signes de puissances, on aperçoit des feux dans de grandes coupes et des chiens de garde dans les allées. Une fanfare de cuivres et de percussions ainsi que des chœurs ponctuent le discours du dictateur. Le décor et l’ambiance de ce grand rassemblement rappellent clairement une autre dystopie qui a également fait l’objet d’une adaptation cinématographique, à savoir 1984 de George Orwell , adapté en film par Michael Radford.

La deuxième chanson, « Run like hell », décrit la volonté de faire disparaître les personnes qui appartiennent à une « catégorie indésirable » : le paranoïaque veut détruire tous ceux qu’il croit être la source de son délire de persécution. Pink sort du meeting. Le public s’est transformé : les visages humains ont été remplacés par des masque anonymes et impassibles, sous l’effet du discours de Pink. Les individus sont devenus interchangeables. On ne leur demande qu’une seule chose : obéir. Les masques sont les mêmes que ceux des enfants au moment où apparaît, dans le film, la chanson «  Another brick in the wall  », lorsque Pink est encore écolier : les élèves masqués et à la démarche raide marchent sur un tapis qui les mène à une machine à broyer et les transforme en viande hachée.

« Run like hell » rappelle la terreur de la Nuit de cristal , pogrom nazi où des juifs allemands ont été assassinés, et des synagogues et des commerces juifs ont été détruits en novembre 1938. Dans The Wall , les personnes noires et les personnes juives connaissent le même sort.

Enfin, la troisième chanson « Waiting for the worms » décrit le point culminant de la folie et du délire de persécution de Pink : le persécuté mentalement persécute physiquement. En voici le texte et sa traduction :

Eins, zwei, drei, alle Oh, you cannot reach me now Oh, no matter how you try Goodbye, cruel world, it’s over

Sitting in a bunker here behind my wall Waiting for the worms 1 to come In perfect isolation here behind my wall Waiting for the worms to come

Waiting to cut out the deadwood 2 Waiting to clean up the city Waiting to follow the worms Waiting to put on a black shirt 3 Waiting to weed out the weaklings Waiting to smash in their windows And kick in their doors 4

Waiting for the final solution 5 To strengthen the strain Waiting to follow the worms Waiting to turn on the showers And fire the ovens 6 Waiting for the queens and the coons And the reds and the Jews 7 Waiting to follow the worms

Would you like to see Britannia Rule again, my friend? All you have to do is follow the worms Would you like to send our colored cousins Home again, my friend? All you need to do is follow the worms

Un, deux, trois, tous Désormais, vous ne pouvez plus m’atteindre Vous pouvez toujours essayer Adieu, monde cruel, c’est terminé

Poursuis ta route

Assis dans un bunker, là, derrière mon mur J’attends que les vers 1 arrivent Complètement isolé, derrière mon mur J’attends que les vers arrivent

J’attends de couper le bois mort 2 J’attends de nettoyer la ville J’attends de suivre les vers J’attends de revêtir une chemise noire 3 J’attends d’éliminer les faibles J’attends de briser leurs fenêtres Et d’enfoncer leurs portes 4

J’attends la solution finale 5 Pour faire grimper la tension J’attends de suivre les vers J’attends d’ouvrir les douches Et de chauffer les fours 6 J’attends les homosexuels et les nègres Et les rouges et les Juifs 7 J’attends de suivre les vers

Aimerais-tu voir la Grande-Bretagne Régner à nouveau, mon ami ? Tout ce que tu as à faire, c’est de suivre les vers Aimerais-tu renvoyer nos cousins de couleur Chez eux, mon ami ? Tout ce que tu as à faire, c’est de suivre les vers

1 En anglais, «  worms  » signifie à la fois « vers de terre » et « minables », « bons à rien ». 2 En anglais, l’expression «  cut out the deadwood  » désigne à la fois l’action de couper le bois mort d’un arbre et le fait de se débarrasser des improductifs, des indésirables. 3 La chemise noir fait référence à l’uniforme SS. 4 Il s’agit ici d’une référence à la Nuit de cristal. 5 Le terme « solution finale » fait référence au génocide perpétré par les nazis. 6 Les douches et les fours font référence aux chambres à gaz et aux fours crématoires des camps d’extermination nazis. 7 Les homosexuels, les « nègres », les rouges et les Juifs font référence aux victimes du nazisme.

L’action du dictateur est engagée, le processus est irréversiblement enclenché : « Tu ne peux plus m’atteindre maintenant / Peu importe à quel point tu essayes » .

  • Le totalitarisme apparaît au grand jour et va s’imposer au monde.

L’action, à ce moment du film, illustre un principe politique que Machiavel avait déjà énoncé au XVI e  siècle dans son livre Le Prince  : le pouvoir s’appuie sur l’adulation et la crainte.

Les « vers » ( « the worms » ) de la chanson représentent tous ceux que le dictateur veut écraser : bons à rien, boulets de la société, homosexuels, communistes (les « rouges » ) et juifs.

Le cynisme du texte réside dans la phrase « Adieu monde cruel » , le monde cruel étant ici la société démocratique que Pink veut remplacer par son « monde meilleur », son « meilleur des mondes », sa dictature.

L’expression « nettoyer la ville » indique clairement une volonté de « purge » : il s’agit d’éliminer tous ceux qui gênent. La référence à la Shoah est explicite : « Attendant la solution finale / Attendant d’ouvrir les douches / Et de chauffer les fours » .

L’un des effets déroutants de cette représentation est l’association de ces références nazies à l’Angleterre ( « Aimerais-tu voir la grande Bretagne / Régner à nouveau, mon ami ? » , signe que les horreurs du totalitarisme auraient pu venir d’un autre pays que l’Allemagne.

Le caractère terrorisant des scènes est renforcé par l’insertion de passages de dessins d’animation de Gerald Scarfe montrant notamment les marteaux du signe dictatorial qui se croisent pour marcher au pas, sous la forme de géants qui nous écrasent.

Conclusion :

Ainsi, le genre de la dystopie s’est développée historiquement pour décrire les mécanismes du totalitarisme et en particulier ceux qui se manifestent à partir du XX e  siècle. La dystopie a pour fonction, à l’origine, de révéler les limites de l’utopie conçue comme projet de société, comme ce fut le cas dans le régime nazie notamment. Mais sa principale fonction est de caricaturer certains traits de la société moderne par le biais de romans fictionnels d’anticipation afin d’en mettre en lumière les défauts et les déviances possibles. Outre le système politique, elle peut alors aborder de nombreux thèmes : les drogues de synthèse, le rôle des nouvelles technologies, l’intelligence artificielle, la bioéthique, etc.

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dissertation philo utopie

Afin que vous compreniez mieux ce que l’on attend de vous dans une dissertation, voici un exemple de dissertation de philosophie. A chaque fois, je précise entre parenthèses juste après à quelle étape de la méthodologie de la dissertation cela correspond. Si vous ne l’avez pas lu, je vous invite à lire d’abord cet article sur la manière de bien commencer sa dissertation de philosophie ou si vous préférez la vidéo c’es t ici.

Sujet : « L’homme est-il à part dans la nature ? » (Exemple de dissertation de philosophie)

Petit rappel de la structure de l’introduction. Pour un exemple d’introduction de dissertation en vidéo c’est ici .

dissertation philo utopie

Introduction

Vinciane Despret, philosophe et psychologue, remarque combien les hommes sont enclins à se considérer eux-mêmes comme exceptionnels. Mais, à ses yeux, c’est oublier que nous sommes aussi de grands destructeurs ou si l’on peut dire des êtres particulièrement nuisibles pour les autres, pour nous-mêmes et pour la nature. Ce faisant, elle considère bien les hommes comme « à part » dans la nature, du moins par nos capacités de destruction. Mais, est-il réellement justifié de dire que nous sommes à part dans la mesure où nous restons dépend d’une nature qui peut également nous détruire en tant qu’espèce ? (Accroche qui propose une première réponse au sujet et formule un début d’objection ) Alors, l’homme est-il réellement à part dans la nature ? (Rappel du sujet) A première vue , et si l’on se fie à la manière dont les hommes se considèrent eux-mêmes depuis des siècles, l’homme est bien à part dans la nature car il serait doté de facultés exceptionnelles telles la conscience, un langage riche et articulé, une raison ou encore des cultures variées et complexes qui l’éloignent toujours davantage de la vie animale. Mais, notre tendance à nous considérer comme supérieurs, ne nous fait-elle pas oublier que notre espèce comme toutes les autres est le produit de l’évolution des espèces ? Ainsi, on pourrait dire que l’homme n’est pas particulièrement à part. L’être humain reste une espèce qui, par le fait du hasard, a développé une raison, une conscience de soi, autant de facultés qui sont devenues la norme chez l’homme car elles lui procurent un avantage et lui permettent d’étendre son influence ou peut-être son territoire. Ce mécanisme est le même pour toutes les espèces, pourquoi alors considérer l’homme comme à part ? (Problématique constituée d’une première réponse au sujet « A première vue », puis d’une objection à cette première réponse « Mais »). Nous verrons d’abord que l’être humain peut effectivement être considéré comme à part dans la nature. Puis, nous nous demanderons si cette idée que nous serions une espèce à part n’est pas une pure illusion. Enfin, nous envisagerons bien une spécificité humaine, mais qui au lieu d’être un privilège est plutôt une immense responsabilité. (Annonce du plan en 3 parties) .

Développement

Avant de rédiger le développement de l’exemple de dissertation de philosophie, petit rappel de la structure globale que doit avoir votre devoir. Le nombre des sous-parties est indicatif. Il doit y avoir au moins deux sous-parties par partie et pas plus de trois.

dissertation philo utopie

Attention, ci-dessous, je vais mettre des titres Première grande partie / premier paragraphe. Vous ne devez pas les mettre dans vos copies. Je les mets seulement pour que vous compreniez bien la structure. Afin que votre copie soit bien lisible, vous devez passer des lignes entre les grandes parties et revenir à la ligne + alinéa quand vous changez de paragraphe (ou sous-partie).

Première grande partie : l’homme est bien à part dans la nature

Premier paragraphe :.

L’être humain peut semble-t-il être considéré comme à part dans la nature car il est doté de facultés qui le rendent très différent des autres espèces. (Thèse générale du paragraphe qui répond au sujet) Certes, l’être humain appartient en un sens à la nature, car si l’on définit la nature comme l’ensemble de ce qui n’a pas été créé ou transformée par l’homme (définition de la nature) alors l’espèce humaine est bien naturelle. L’homme ne s’est pas créé lui-même, il est donc un être naturel au moins en partie. Mais, l’être humain à ceci de particulier que précisément il a cette capacité à transformer sa nature et à n’être pas totalement soumis à son instinct. Il peut se cultiver c’est-à-dire se transformer si bien qu’il peut devenir réellement très différent d’un autre être humain. (Argument formulé avec mes propres termes pour soutenir la thèse) Aux yeux de Rousseau, ce qui fait la spécificité de l’être humain par rapport aux autres espèces, c’est sa capacité à « se perfectionner ». (Utilisation d’une référence à Rousseau qui justifie la thèse, avec utilisation du vocabulaire de l’auteur). Il remarque ainsi qu’un être humain peut, par les choix qu’il fait, aussi bien devenir un très grand artiste, sportif ou savant, qu’un toxicomane. C’est d’ailleurs lui qui pose la question « Pourquoi l’homme, seul, est-il sujet à devenir imbécile ? » et il y répond que c’est parce qu’il est le seul à être libre, c’est-à-dire à pouvoir ne pas suivre un programme inscrit à l’avance dans ses gènes et qui décide de son mode de vie. Ce que l’on appelle communément un instinct. L’homme peut donc se perfectionner toute sa vie, là où l’animal va très rapidement cesser de changer dès lors qu’il est adulte. (Développement en utilisant les arguments que l’auteur utilise pour justifier sa thèse) Nous pouvons donc dire que l’homme est bien à part dans la nature, car il a cette capacité de se perfectionner que n’ont pas les autres espèces. (Retour au sujet : le but est de rappeler en quoi ce que l’on vient de dire répond au sujet)

(Suite à venir)

▶️ Je vous montre comment développer une sous-partie en vidéo ci-dessous :

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Une réflexion sur “  exemple de dissertation de philosophie rédigée  ”.

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Je trouve vos articles très intéressants. Dommage, quelques coquilles!!!

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Cours Thierry

Dissertation sur l’inconscient corrigée pour le bac de philosophie

Une fois n’est pas coutume, voici le corrigé d’une dissertation de philosophie dont le sujet est «  Peut-on connaître l’inconscient ? « .

Pour profiter de révisions complètes sur le programme, des rappels de méthodologie, ainsi que d’entraînements de dissertations et d’explications de textes, nous vous recommandons de venir assister à notre stage intensif de philosophie au mois de juin.

Sujet : peut-on connaître l’inconscient ?

Introduction.

Si le regard des autres est parfois si impressionnant, c’est que nous sentons qu’ils peuvent saisir à tout instant des caractéristiques de nous-mêmes que nous ne contrôlons pas, ne voulons pas voir, ou dont nous n’avons pas conscience.

Sigmund Freud

L’inconscient est par définition ce qui n’est pas conscient, ce qui échappe à notre conscience. Connaître signifie savoir. Un savoir est ce dont on peut parler, ce qu’on a emmagasiné dans notre mémoire et qu’il nous est possible d’exposer. Connaître renvoie aussi à l’expérience : nous connaissons ce dont nous avons l’expérience, ce à quoi nous avons accès, ce que nous éprouvons. Connaître une chose, peut signifier savoir que cette chose existe, à un plus bas degré de connaissance. (Je connais tel chanteur, j’en ai entendu parler). A un niveau plus élevé, connaître une chose, c’est savoir ce qui la caractérise, ce qui correspond à son être.

Si l’inconscient échappe à notre conscience, alors, en tant que tel, nous ne pouvons pas en parler. De même, il semble que nous ne puissions pas en faire l’expérience.

Nous verrons dans un premier temps qu’a priori, l’inconscient est ce qui échappe à notre conscience, et donc, à notre connaissance. Puis nous nous pencherons sur le fait que selon la psychanalyse, une science de l’inconscient est néanmoins possible. Nous tâcherons ensuite de préciser en quel sens il est juste de dire que l’inconscient peut être connu.

L’inconscient, ce qui échappe à notre connaissance

L’inconscient, par définition, échappe à notre conscience. Selon la psychanalyse, les traumatismes de notre petite enfance, les frustrations, assimilables à de micro traumatismes, les pulsions honteuses, ont été refoulées hors du champ de notre conscience. Nous n’en avons aucun souvenir. Malgré tout, ces traumatismes, ces pulsions nous hantent, colorent notre vie consciente et exercent sur elle une forme de pression. Les rêves, mais aussi les lapsus ou les actes manqués illustrent cette tendance de notre inconscient à se manifester à notre conscience. Les rêves sont en effet, la première manifestation de l’inconscient. Comment rendre compte de leur cohérence, de la force avec laquelle ils semblent signifier quelque chose, de l’impression que tout y est symbole, sans poser l’existence d’une part de nous-même qui a sa logique propre, sa vie propre, et qui ne demande qu’à s’exprimer ? Les lapsus sont un phénomène extrêmement étonnant : il semble qu’une partie de nous-même devance notre moi conscient et exprime des vérités que nous aurions voulu cacher. Les actes manqués, de même que les lapsus, témoignent qu’une partie de nous résiste à notre volonté, est comme plus forte que nous. Mais cet inconscient, s’il colore la vie consciente, reste inaccessible à la conscience. C’est ce qui le rend fascinant.

Blaise Pascal

Cependant, de nombreuses expressions du langage courant semblent traduire une proximité que nous entretenons avec l’inconscient, avec notre inconscient, comme si un second « nous » nous habitait et que nous en avions une certaine connaissance, ainsi les expressions suivantes : « c’est un lapsus révélateur », « c’est le retour du refoulé », « c’est mon inconscient qui parle ». L’inconscient ne serait-il pas un quelque chose, en nous, délimité, que l’on pourrait conquérir, apprivoiser et connaître ?

La psychanalyse ou science de l’inconscient

Selon la psychanalyse, une connaissance de l’inconscient humain en général mais aussi de notre propre inconscient est possible.

La psychanalyse est basée sur l’idée que nos névroses et nos souffrances viennent principalement de l’existence de notre inconscient qui nous échappe et nous empêche de nous affirmer comme sujet conscient et libre.

Il existerait des caractéristiques communes à l’inconscient de tout homme, légitimant le fait de parler de l’inconscient comme d’une entité propre, indépendante et faisant qu’il est possible de connaître l’inconscient en général, de connaître son être, ses caractéristiques. Freud, en effet, propose de décrire le psychisme humain à l’aide de l’image d’une habitation. L’inconscient correspond à une antichambre très vaste gardée par un gardien. Cette antichambre contient toutes les pulsions que nous avons refoulées dans notre enfance, voire même plus tard, ainsi que tous nos traumatismes trop douloureux. Ces pulsions exercent une force sur le gardien et tentent de pénétrer dans le salon, dans lequel siège l’œil de la conscience. Le gardien, symbole d’une censure inconsciente, empêche les pulsions de s’échapper. Il est à noter que l’antichambre est bien plus vaste que le salon, ce qui signifie que la plus grande partie de notre psychisme échappe à notre conscience.

Ces pulsions inconscientes, refoulées, sont à lier aux différents stades du développement de l’enfant. Ainsi, il n’y a pas autant d’inconscients qu’il existe d’individus mais il existe des constantes, dans nos différents inconscients, légitimant une science de l’inconscient. En effet, la petite enfance est une succession de frustrations ou de micro traumatismes. Le stade oral est privation du plaisir de la tétée, le stade anal, de la liberté d’uriner et de déféquer, tandis que le stade phallique implique la résolution du complexe d’Œdipe, résolution qui s’accompagne d’une forme de renoncement, d’acception et donc de frustration : le petit garçon doit admettre qu’il n’épousera pas sa mère, de même pour la fillette avec son père.

Non seulement, il est possible de connaître dans ses grandes lignes, l’histoire de la constitution de l’inconscient de chaque homme, et donc de connaître l’inconscient en général, mais encore, selon la psychanalyse, chaque individu peut, par le traitement psychanalytique ou thérapie par la parole, expérimenter son propre inconscient en le libérant de la censure. Cette thérapie repose sur une relation entre thérapeute et analysé qui reproduit principalement la relation de la mère à l’enfant : le patient reçoit une écoute, une attention à ses moindres mots, à ses moindres gestes, qu’il n’a pas reçue depuis qu’il était petit enfant, entre les bras d’une mère soucieuse de son bien-être et à l’écoute de ses moindres signes. La neutralité de la voix du psychanalyste rappelle quant à elle la manière dont l’enfant, dans le ventre de sa mère, percevait la voix de sa mère ; lointaine, étouffée. La posture allongée sur le divan implique que l’analysé ne voit pas son thérapeute, ce qui, à nouveau, peut évoquer la posture de l’embryon, dans le ventre maternel. Le patient parle par associations libres, se libère de sa raison, laisse son imaginaire le guider et peu à peu s’abandonne et laisse ses pulsions et ses traumatismes inconscient rejaillir. Alors, dans le cas d’une thérapie réussie, il vit une sorte de choc, les souvenirs ne se contentent pas de réapparaître à la conscience, ils sont revécus avec une grande intensité. C’est toute une partie de leur psychisme qu’ils découvrent. Sous ce rapport, l’inconscient est éprouvé, expérimenté, en quelque sorte, par les patients, qui en ont une connaissance dans le sens d’une expérience. D’ailleurs, tout psychanalyste doit avoir accompli et réussi une psychanalyse, autrement dit, doit connaître l’inconscient de manière théorique et expérimentale.

Karl Popper

Connaître l’inconscient

D’un côté, il semble évident que l’inconscient est ce que nous ne pouvons pas connaître. Il y a une impossibilité logique à connaître ce qui n’est pas conscient et nous expérimentons à de nombreuses reprises qu’une part de nous-mêmes nous échappe. D’un autre côté, si l’on en croit la psychanalyse, l’inconscient en général, comme notre propre inconscient, est connaissable.

philosophe Alain

Concernant enfin cette obscurité que nous éprouvons face à nous-mêmes, et cette impression que d’autres peuvent y accéder, c’est avant tout parce que notre corps nous échappe toujours, tandis que nous le livrons aux autres. Nous ne pourrons jamais nous percevoir tels qu’ils nous perçoivent. Notre corps, mais aussi nos paroles, nos intonations, nos silences, etc. non seulement nous sont inconnus, mais encore, révèlent des aspects de nous-mêmes que nous pouvons avoir tendance à nous cacher et qui sont, de ce fait, plus ou moins conscients. Si nous pouvons difficilement, par l’introspection, accéder à ces parties obscures de nous-mêmes, en revanche, par des relations aux autres inscrites dans la durée et fondée sur la bienveillance, qu’il s’agisse de relations thérapeutiques ou amicales, nous pouvons, n’en déplaise à Pascal, nous découvrir un peu mieux nous-mêmes, grâce à leurs avis sur qui nous sommes.

Si la connaissance d’un inconscient qui serait une entité de notre psychisme dépend de notre foi en la psychanalyse, en revanche, l’inconscient cognitif, qui est lié à notre corps et à ses réflexes de survie, est connaissable, dans le sens où nous pouvons être sûrs de son existence et la manifester par des expérimentations. Par ailleurs, grâce à la relation avec autrui, certaines zones d’ombre de notre personnalité peuvent nous être révélées. Il ne s’agit pas d’inconscient au sens freudien du terme mais plutôt, de non conscient, de ce qui, en nous, n’apparaît pas de manière claire à notre conscience.

N’hésitez pas à poser vos questions en commentaires, ou à nous contacter pour tout complément d’information !

Contactez-nous pour toute information

Vanina Gé on Email

12 réflexions au sujet de « Dissertation sur l’inconscient corrigée pour le bac de philosophie »

Je suis très contente d’être avec vous. Je veux les sujets probables bac 2023.

L’inconscient est-il positif pour notre humanité ?

Je veux le corrigé de ce sujet svp

Je veux le corrigé

Heureuse d’être avec vous, j’aimerais avoir les sujets du bac 2023 pour mieux m’exercer.

Je veux les sujets probables 2023

Heureuse d’être avec vous. Je veux bien que vous m’aidiez à traiter mon sujet : Sommes nous-gouvernés par l’inconscient ?

Bonjour BahTybus, en effet cette page te donne déjà quelques éléments !

Je veux bien être dans ce groupe pour pouvoir enrichir ma connaissance.

Oui ! je veux bien être dans ce groupe pour pouvoir acquérir des connaissances.

J’aime beaucoup cet espace et je souhaiterais vivement votre aide en ce qui est du traitement des sujets.

J’aimerais avoir des sujets pour mieux approfondir mes connaissances

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Dissertation Utopie

Par DanFueco   •  5 Janvier 2019  •  Dissertation  •  660 Mots (3 Pages)  •  1 626 Vues

PHILIPPE Dany 1S2

Dissertation

         Une utopie est un lieu dont la société constitue un idéal. Sa réalisation est impossible et est donc, par conséquent, une construction imaginaire. C’est Thomas More qui a inventé ce terme avec le texte Utopia  en 1516.  A propos des utopies, le philosophe contemporain déclare que « les nouvelles terres qu’elles proposent affectent de plus en plus la figure d’un nouvel enfer ». Avec  cette affirmation, il affirme que les utopies deviennent, sur le long terme, des dystopies. Nous allons discuter cette affirmation en répondant à la problématique suivante : A quoi sert l’utopie au 17 eme  siècle et à quoi sert-elle maintenant ?

        Nous allons y répondre avec un plan en deux parties : La première où nous allons montrer que l’utopie dans le 17 eme siècle servait à dénoncer la société, et la deuxième où nous allons montrer qu’aujourd’hui elle sert à sert à dénoncer la dégradation de notre société.

        Pour commencer, au 17 eme  siècle l’utopie servait à dénoncer la société actuelle (celle du 17 eme ). En effet, la plupart des utopies du 17 eme (et même avant) décrivait un monde qui semble parfait : abondance de richesses ( « Les voyageurs ne manquèrent pas de ramasser l’or, les rubis et les émeraudes », L’eldorado, Candide , Voltaire 1759), la liberté (« Chacun est libre d’occuper à sa guise les heures comprises entre le travail, le sommeil et les repas », Utopia , Thomas MORE 1516) et une cité bien protégée (« Un rempart haut et large ferme l’enceinte, coupé de tourelles et de boulevard », Utopia ,  Thomas MORE 1516). Les auteurs de ces utopies décrivaient ces mondes pour dénoncer leurs propres villes et pays qui eux n’abondaient pas de ressources, n’étaient pas parfaitement protégés et où les habitants ne sont forcément (tous) libres.

        Aussi, les auteurs se servait des utopies pour critiquer directement leur société. Par exemple, Thomas MORE reproche à la société d’être injuste et inégalitaire en considérant le travail comme de l’esclavage dans Utopia  (« libérés de leur métier ») car dans la société de l’époque les pauvres travaillaient pour les nobles, ce qui s’apparente à de l’esclavage. Où encore Voltaire qui critique le fait de vouloir accumuler des richesses pour être heureux avec Candide .

        En contrepartie, l’utopie de nos jours sont plus des contres-utopies et servent plus à dénoncer la dégradation de notre société. Dans ces contres-utopies , les auteurs décrivent souvent un monde d’après guerre reconstruit ( Hunger Games) , ultra surveillé ( 1984 , George ORWELL) et qui se passe souvent dans un futur proche. Par exemple, Aldous HUXLEY décrit en 1932 un futur où tous les enfants naissent à partir d’éprouvette. Dans ce roman, Le Meilleur des mondes , il dénonce la société de consommation actuelle. La caricature la plus évidente est le discours du directeur qui utilise beaucoup de termes économiques ( haute politique économique, raison économiquement mieux fondée, articles manufacturés,  ect…) et qui répète souvent le mot consommation. Aussi dans ces contres-utopies, les civils sont souvent déshumanisés : Dans Le Passeur, par exemple, les enfants sont conditionnés pour ne ressentir aucune sensation ( en étant par exemple terroriser par les fleurs et les livres) pour qu’ils soient plus manipulable par les politiciens.

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    L'utopie (lieu qui n'existe pas ou lieu de bonheur), mise en avant par Thomas More, permet de décrire un nouveau monde qui rompt avec les imperfections de la société anglaise de l'époque. L'ile repose sur l'égalité, l'engagement, le respect et la sagesse épicurienne, qui permettent à tous les habitants de vivre harmonieusement.

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